L'ermeneutica tra Heidegger e Levinas

Fr. Camera
L'opposition de Lévinas à Heidegger est suffisamment connue pour que soit originale l'idée de rapprocher ces deux auteurs jusqu'à identifier le même concept d'«altérité» chez l'un et l'autre. L'A. considère en effet que leurs manières de déployer l'herméneutique est commune, une réponse à un «appel de la différence, de l'altérité et de la transcendance» (p. 9), avec, toujours de part et d'autre, le même corollaire de l'écoute et du déchiffrement du sens. L'ouvrage présente d'abord Heidegger, puis Lévinas. L'herméneutique de Heidegger n'est pas une anthropologie mais une ontologie; elle est une révélation de l'être du Dasein plutôt qu'une technique d'interprétation du Dasein en lui-même. D'ailleurs, le mot hermeneuein signifie «annoncer». L'être se manifeste comme gratuité de sens. Se dessine ainsi chez Heidegger un espace de transcendance, une ouverture à une philosophie de la religion authentique, c'est-à-dire à une critique religieuse de l'exister humain comme région de l'être, à une critique aussi des idées qui substantifient Dieu. L'exposé sur Heidegger montre enfin comment la philosophie de la religion d'Alberto Caracciolo en poursuit la méditation en direction de l'écoute (l'être est «donation de sens, gratuite et mystérieuse» [p. 109] - on pourrait croire que les vues de Caracciolo ont déterminé l'interprétation que l'A. donne du philosophe allemand) et comment Gadamer complète Heidegger en inscrivant la raison pratique dans l'herméneutique.
L'exposé sur Lévinas reprend les grand thème du penseur juif, l'idée de l'infini dans Totalité et infini, l'asymétrie des relations subjectives. Dire la transcendance reste de la sorte signifiant au plan du discours, mais à la condition de ne pas enclore celui-ci dans quelqu'auto-référence. Tout discours authentique se tisse en effet entre des subjectivités et se fait «temps», chemin, peut-être croissance. «Le temps est transcendance, […] le mouvement de l'existence humaine vers l'altérité» (p. 211). Le lecteur pourra trouver que la réconciliation de Heidegger et de Lévinas est assurée trop facilement par le recours à une transcendance qui demeure vague chez Heidegger. L'être heideggérien n'est-il pas sans visage, plus hégelien (et peu chrétien, quoiqu'en dise la p. 195 en ignorant la liberté constitutive de l'idée chrétienne de Dieu) que lévinasiens. - P. Gilbert, S.J.

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