L'institution sociale de l'esprit

J. De Munck
En s'aidant de la recherche récente, surtout anglo-saxonne, l'A. nous introduit à la complexité du problème des relations entre le savoir et le pouvoir. Il prend son départ dans la théorie des choix rationnels (un bon choix doit pouvoir donner ses raisons), qu'il critique en s'attachant à la question de l'élaboration métaphorique de nos concepts et de nos règles pratiques; de cette élaboration, ne rendent compte ni le «connexionisme» de souche empiriste, exagérant l'automatisme neurologique, ni la phénoménologie qui met le monde entre parenthèses; tous deux «sous-estiment la place et l'importance des institutions et des symboles» (p. 42). Certes, le travail de la raison développe «des processus d'idéalisation» (p. 74) mais il ne décroche pas pour autant des contextes; il s'agit donc de «penser ensemble ces deux mouvements où se produit la raison: la contextualisation de l'esprit, l'idéalisation des contextes» (p. 74).
Les thèses linguistiques de Putnam permettent de reconnaître entre «l'esprit, le monde et la société une intrication pragmatique» (p. 79); prend aussi consistance l'idée de Popper pour qui l'esprit ne se réduit ni à des éléments objectifs ni à des intentions subjectives, car il appelle un «Troisième Monde». L'institution comme telle appartient à ce «Troisième Monde». Selon Favereau, elle constitue «un ensemble de schémas normatifs permettant à la fois des mises-en-situation et des mises-en-discours des interactions pratiques entre les personnes et avec le monde» (p. 137); elle rend ainsi possible la production d'un savoir collectif, mais aussi «des structures de capacitation collective» (p. 140); ces structures constituent, selon H. Arendt, autant de formes de pouvoir. Pour Arendt, le pouvoir est moins domination d'un sur tous - ce serait là violence - que capacité d'un groupe à stimuler ses membres. L'A. développe l'idée du pouvoir lié au savoir en confrontant les thèses de Gadamer et de Habermas et en proposant, à la suite de Parsons et de Barnes, un modèle «cognitif» du pouvoir. Il entend montrer que la pragmatique importe plus que la sémantique dans la production efficace du discours. Il s'ensuit que le pouvoir, à moins de se contenter d'idéologie impuissante «à ouvrir l'espace des apprentissages» (p. 189) et de l'inventivité, doit s'appuyer «sur les savoirs distribués dans un contexte» (p. 189). - P. Gilbert, S.J.

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