Le long cheminement intellectuel de saint Thomas d'Aquin l'amena
progressivement à approfondir sa métaphysique du connaître. Il a pu
alors regarder le «verbe mental» dans sa pure relativité «secundum
esse». Dès lors il fut en mesure de faire apparaître la fécondité
de la connaissance en son intériorité la plus profonde non à la
manière d'une immanence fermée sur un «esse objectivum», comme
détaché de son rapport au «quod est», mais bien au contraire, comme
ouverture intentionnelle à autre que soi. L'A. n'entend pas donner
dans son étude un parcours historique de la question ni en
présenter une synthèse théorique complète. Il a seulement voulu
mettre en lumière un point fondamental de la pensée thomasienne.
Pour ce faire, il n'a certes pas oublié la contextualité du
problème, ni fait l'économie d'une prise de parti où saint Thomas
est préféré à bon nombre de ses disciples. Cette «réactivation de
l'héritage thomiste», l'A. l'exprime avec les mots de J. Maritain
comme redécouverte de «l'élan intuitif de l'intelligence non
fatiguée encore vers la savoureuse nouveauté du réel». La
pertinence et l'acuité de la métaphysique thomasienne de
l'intellection et du verbe retrouvent donc ici toute leur force.
Elles tiennent essentiellement dans la juste compréhension que
l'immanence du connaître est indissociable de la reconnaissance de
«l'intention connaturellement réaliste de l'esprit». Certes, pour
saint Thomas, le réalisme de l'esprit doit être compris comme un
réalisme quidditatif du concept. Mais celui-ci ne peut se saisir
que dans sa totale ordonnance au réalisme existentiel de
l'affirmation. Dans cette perspective, l'objet de la métaphysique
thomiste n'est donc nullement le réel considéré dans sa
possibilité, c'est-à-dire l'essence ou la quiddité possible, mais
l'étant en acte d'être. L'affirmation couronne ainsi la
connaissance car «elle assimile réflexivement à son actualité
intelligible et à son intentionnalité existentielle la diversité de
nos prises abstractives». - H. Jacobs, S.J.