On connaît le mot de Pascal à propos de notre nature :
« Ni ange, ni bête », mais comme ni l'un ni l'autre ne
s'adonnent à la philosophie, il faudra s'interroger sur la
distinction des trois ordres chez Pascal et situer la philosophie
(laquelle ?) dans cette trilogie et par rapport à la
théologie. Une cinquantaine de pages s'efforcent de clarifier la
disposition qui a régi, avec bien des variantes dues aux critères
invoqués, les publications des Pensées, de
l'Entretien avec M. de Sacy,
la Correspondance, l'Apologie… dans l'oeuvre
« sceptique » de l'épistémologie pascalienne. Or,
« Une partie du destin de la philosophie se joue chez Pascal
dans les liens qu'il tisse entre le « coeur » et la
« raison » » (p. 52). Préjudiciant à la
résolution de la nature de ce lien et donc à l'importance de ces
deux « ordres » de connaissance évoqués, peut-on supposer
que l'on assigne à la position de Pascal une visée d'écrivain,
de théologien, de
vrai philosophe… ? Pour P. Ricoeur, Pascal
est « en deçà » de la philosophie conçue comme pensée
réflexive et conceptuelle. Pour d'autres (P. Sellier,
H. Gouhier ou J.-L. Marion), il faut situer Pascal comme
théologien ou « penseur religieux » : il est
au-dessus de la philosophie entendue comme autonomie de la raison.
D'autres encore, comme V. Garraud, situent Pascal comme doté
d'une conception philosophique sans être réductible à celle de
Descartes. Il est à côté de la philosophie pensée comme
onto-théo-logique. (p. 31-32). On le voit, la réponse à la
question de la situation et de l'autorité philosophique dans la
pensée de Pascal par rapport à sa visée apologétique (que l'on peut
estimer comme pertinente, si pas centrale) est pour le moins
complexe et supporte des réponses nuancées. Des préalables doivent
être établis autant que faire se peut : la relation interne
entre les trois « ordres » d'abord et leur nature dans
l'anthropologie chrétienne de Pascal, la place des textes ensuite,
dans une édition encore questionnée. Car, s'il y a des
« limites » au moment philosophique de la réflexion de
Pascal, il n'est pas exclu pour autant. Mais nous sommes toujours
invités à « penser à la fois à la misère et à la grandeur de
la philosophie en perspective de la Foi ». Les pages
extrêmement fouillées de ce livre représentent un examen autorisé
et de premier ordre utile à toute approche ou approfondissement de
la pensée subtile et savante de Blaise Pascal. -
J. Burton s.j.