La conscience juive de l'Église. Jules Isaac et le concile Vatican II, préf. R.O. Paxton, trad. J.E. Jackson

Norman C. Tobias
Biographies - Recenseur : Didier Luciani
Il faut savoir gré aux éditions Salvator d'offrir aussi vite une traduction française du livre de Norman C. Tobias (éd. originale Londres, Palgrave Macmillan, 2017), sur Jules Isaac, grand historien et didacticien français (celui du Malet-Isaac), mais surtout artisan infatigable et précurseur du dialogue renoué après la seconde guerre mondiale entre juifs et chrétiens (Jésus et Israël, 1948 ; Genèse de l'antisémitisme, 1956 ; L'enseignement du mépris : vérité historique et mythes théologiques, 1962). Comme chacun sait - mais comme l'A. le prouve ici avec une précision inédite grâce, notamment, à sa consultation des archives privées d'Isaac à la bibliothèque Méjanes d'Aix-en-Provence -, la rencontre d'Isaac avec Jean xxiii, le 13 juin 1960 (une audience avec Pie xii précède en 1949), s'est révélée déterminante pour infléchir l'agenda du concile Vatican ii en y inscrivant in extremis, mais de façon claire, la question des relations de l'Église avec le peuple juif. De cette rencontre, et de tout ce qui l'a préparée et suivie, est sorti le paragraphe 4 de la déclaration conciliaire Nostra aetate dont personne aujourd'hui ne songe à contester le rôle fondateur et la fonction - après quinze siècles d'antijudaïsme chrétien plus ou moins virulent - de borne miliaire. Cette biographie de Jules Isaac (1877-1963) commence avec ses années de formation, mais s'attache surtout à son engagement, à partir de 1946, pour faire changer les mentalités chrétiennes. Il vaut la peine de rappeler - comme le fait Tobias (p. 38-39 et 141s) - que ce qui détermina Isaac à se lancer dans ce combat fut la lecture de quelques lignes du Jésus en son temps de Daniel-Rops à propos de Mt 27,25 (« Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ») pour tenter - par une formulation alambiquée, mais dont on craint de trop bien comprendre la signification - de justifier la shoah : « Il n'appartenait pas à Israël, sans doute, de ne pas tuer son Dieu après l'avoir méconnu et, comme le sang appelle mystérieusement le sang, il n'appartient peut-être pas davantage à la charité chrétienne de faire que l'horreur du pogrom ne compense, dans l'équilibre secret des volontés divines, l'insoutenable horreur de la crucifixion ». À partir de ce choc initial (de ses proches, seul son fils Jean-Claude est revenu d'Auschwitz), la suite se lit « comme un roman », plein de rebondissements, d'oppositions et de soutiens, de diplomatie et de rencontres. Mais ce n'est pas un roman et l'A. préfère parler, à plusieurs reprises et à juste titre, de « mission sacrée ». Même si le présent nous montre que rien n'est jamais définitivement acquis, merci, Monsieur Isaac, pour la mission accomplie et merci à Norman Tobias de nous en rapporter avec, tout à la fois, tant de passion et tant de rigueur historique, les méandres. - D. Luciani

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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