La différence entre l’homme et la femme est un thème d’actualité. Elle « donne à penser » à de nombreux chercheurs. Cette radicale différence interpelle les personnes, les cultures et les Églises. Elle est visible de génération en génération. Elle touche toute l’unité personnelle de l’être humain. La différence sexuelle est inscrite dans le corps, mais elle dit une forme de transcendance de l’homme par rapport au créé. Ce livre, fruit d’une thèse à la Fac. jésuite de théologie à Bruxelles (I.É.T.), étudie deux auteurs, une femme et un homme : Edith Stein et Karol Wojtyła. Ce choix complémentaire dessine comme un arc-en-ciel historique et géographique tout en respectant l’élaboration originale des réflexions de chacun. Le but de cette « comparaison » est d’approfondir la différence sexuelle telle qu’elle est abordée par ces auteurs dans leurs écrits. L’approche d’E. Stein est plus philosophique, celle de Jean-Paul ii plus théologique. Le diptyque est original et inspirateur surtout pour le monde francophone. Les références bibliographiques ouvrent en effet un riche horizon au monde germanique et anglo-saxon.

Ce livre est une étape dans la recherche du contenu de cette articulation homme-femme et une vraie richesse. Il n’occulte pas les apories et les questions délicates posées par les deux A. : le Gemüt d’E. Stein, ses interprétations pauliniennes, la structure sponsale de l’être humain pour Jean-Paul ii, le rapport âme-corps, la notion de complémentarité et de soumission entre l’homme et la femme. Mais le principe lubacien qui guide la rédaction générale est bien celui d’unir pour distinguer. Une autre originalité réside dans l’articulation proposée : non pas parler seulement de complémentarité, mais d’enrichissement réciproque dans le face-à-face sexué entre l’homme et la femme.

La complémentarité est un signe de respect et dénonce toute dialectique « maître-esclave » dans la différence sexuelle. Elle énonce une égale appréciation de la dignité des personnes sexuées tout en assumant leurs différences bien réelles, dans leur corps et leur intentionnalité, mais aussi dans leur rapport au monde. Mais il convient d’aller plus loin dans la perspective en levant l’ambiguïté de la complémentarité pour comprendre l’enrichissement apporté par la relation sexuée et sexuelle entre l’homme et la femme.

Le chap. 7 développe l’intuition de l’A., marque les limites du terme de complémentarité et suscite des pistes : dans leur âme et dans leur corps, dans les deux états de vie (conjugal et virginal), dans la mission, l’homme et la femme font l’expérience d’une transcendance enracinée dans leur profonde différence sexuelle. Cette différence est comme un « sacrement » : signe visible d’une réalité invisible, celle d’un Dieu trinitaire qui a créé l’humanité selon deux manières d’être une personne, à son image. Dans leur identité propre, le don réciproque de l’homme et de la femme enrichit leur perception du réel, de leur origine et de leur fin également. L’enrichissement signifie une transformation réciproque par le regard, la rencontre, et l’union entre les deux. Ainsi toute personne sexuée est-elle transformée par l’existence même de l’autre, d’un sexe différent. Les états de vie permettent à cette transformation de prendre son vrai visage historique et de cheminer vers un amour divin qui, en profondeur, a voulu et aimé cette différence pour nous faire comprendre ce qu’il est et nous changer en une image de plus en plus parfaite de son identité divine. Comme l’a écrit P. Teilhard de Chardin dans Le cœur de la matière, son autobiographie, « rien ne s’est développé en moi que sous un regard et sous une influence de femme ». — A. Mattheeuws s.j.