La femme selon Jean-Paul II

P. Snyder
Théologie - Recenseur : Jean Radermakers s.j.
OEuvre de reconnaissance au Pape Jean-Paul II, oeuvre aussi de vérité et de probité, cette thèse mérite attention. L'A., chargé de cours à la Faculté de théologie de l'Université de Sherbrooke et intéressé à la théologie féministe, s'est précédemment interrogé sur l'image de la femme au Moyen Âge. Il s'attelle ici à forte partie: découvrir la pensée de Jean-Paul II sur la dignité singulière et la vocation unique de la femme. Des questions comme l'exclusivité de la fonction maternelle des femmes, ou le refus de leur accès au sacerdoce, rendent cette étude fort actuelle. Comment procède l'A.? Il a patiemment analysé l'ensemble des écrits du Saint-Père et il s'efforce de donner une vision objective de sa conception sur la femme, sans polémique, et dans un vrai souci de clarification.
Dans une 1e partie, il creuse les fondements anthropologiques et théologiques de la pensée de Jean-Paul II sur la nature et la vocation de la femme. Selon lui, tout est basé sur la détermination inscrite en son corps: la maternité. Les sources scripturaires du Pape sont les chap.1 à 4 de la Genèse (ordre de la création), les passages évangéliques sur l'adultère (Mt 5,27-28; 22,24-31; Lc 20,34-35), le chap. 7 de 1 Co sur la virginité, et surtout Marie comme archétype de la vocation de la femme (ordre de la rédemption). Le Pape réfléchit à travers l'anthropologie d'Augustin et de Thomas d'Aquin, l'enseignement de Vatican II et celui de ses prédécesseurs sur la chaire de Pierre.
La seconde partie de la thèse prend en compte les textes de Jean-Paul II répondant aux revendications des féministes. Le Pape leur reproche de vouloir «acquérir la maîtrise de leur corps afin de définir leur propre identité et les rôles qu'elles veulent jouer dans la société et dans l'Église, et de prétendre à une emprise sur les questions liées à la reproduction». Or Jean-Paul II considère ces revendications comme contraires à la vocation de la femme selon le plan divin, de même que l'utilisation de contraceptifs, le recours à l'avortement ou l'accès au sacerdoce ministériel. Notre A. estime que cette conception du déterminisme corporel de l'être-femme est liée à une anthropologie désuète inspirée du «mythe» de la Genèse. Sa conclusion appelle une révision des présupposés du Saint-Père dans une ouverture à la modernité: on ne peut plus, aujourd'hui, définir la femme comme «pouvoir être mère, physiquement ou spirituellement». La recherche est bien menée, les discussions sont précises et souvent éclairantes, la documentation est riche et de qualité, bien que la partie exégétique eût pu être plus pertinente. La thèse de l'A. pose les jalons d'une réflexion à poursuivre.
En effet, il resterait à l'A. une troisième partie à écrire, la plus difficile: dégager la portée prophétique de l'enseignement de Jean-Paul II, tout en déployant les virtualités de la révélation scripturaire. Et donc élaborer une anthropologie théologique tenant compte de l'éclairage de la tradition ecclésiale sur la sexualité afin de bien distinguer le culturel du révélé, et intégrer les données de l'Écriture non reprises par le Pape, tant sur l'identité et la vocation de la femme, que sur les rapports à établir entre hommes et femmes pour construire une société humaine et une Église selon le désir de Dieu.
La distinction dans l'humanité entre hommes et femmes est incontournable. L'identité de la personne humaine passe inéluctablement par cette détermination inscrite dans les corps. Comment dès lors les personnes humaines ont-elles à prendre en charge la révélation qui leur est faite dans l'ensemble de l'Écriture pour emprunter la route de la rédemption? Ainsi faudrait-il intégrer la prise en charge du destin d'Israël par les femmes, qui sont au service de la vie tandis que les hommes font la guerre et détruisent: tout un chemin de grâce dans la ligne de la maternité! Il faudrait aussi déterminer le rôle des prophétesses dans le peuple élu, approfondir le symbolisme féminin de Jérusalem qui, dans le 2e livre d'Isaïe notamment, est étroitement liée à la figure du Serviteur mourant pour elle. Il faudrait examiner la personnification féminine de la Sagesse de Dieu qui invite, nourrit, fait vivre, que Salomon épouse, et dont nous trouvons une image poétique dans le Cantique des Cantiques et plus réaliste en Pr 31. Il y aurait lieu encore de reprendre les rapports de Jésus avec les femmes qu'il rencontre, prend comme disciples et envoie annoncer sa résurrection, sans parler des réflexions pauliniennes. L'anthropologie théologique fondée sur la révélation requerrait encore bien des approfondissements. Mais l'on ne supprimera pas le déterminisme corporel de chacun des deux sexes; il faut en dégager toutes les implications. - J. Radermakers, S.J.

newsletter


la revue


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80