La laïcité est une idée neuve en Europe. Le cas franco-allemand

G. Pietri
Histoire - Recenseur : Paul Lebeau s.j.
Le P. Gaston Pietri, qui fut longtemps Secrétaire national de l'Épiscopat français pour les questions pastorales, nous offre ici, avec cette compétence et ce sens pédagogique qu'on lui connaît, un exposé remarquablement clair sur une question complexe. Il constate à juste titre que la laïcité à la manière française sera nécessairement affectée par l'émergence d'une Europe unie. Il est d'ailleurs significatif que le mot français «laïcité» ne connaît pas d'équivalent exact dans d'autres langues européennes. En France, le premier choc de la sécularisation a été de nature conflictuelle. Hérité du «Siècle des Lumières», c'est un rationalisme scientiste qui inspirait la lutte contre le prétendu «obscurantisme» des esprits religieux, et conduisit à la séparation de l'Église et de l'État.
L'Aufklärung, en revanche, version allemande des Lumières, n'a pas revêtu de caractère anti-religieux. Si, comme la Constitution de Weimar, la Loi fondamentale de la République fédérale (1949) entérine le principe de la séparation de l'Église et de l'État, elle leur assigne une place spécifique dans l'espace public - ce qui ouvre le champ à un «partenariat» des Églises et de l'État. L'A. cite à ce propos l'important ouvrage de l'ancien chancelier Helmut Schmidt, Un chrétien face aux choix politiques, selon lequel l'État de droit est inséparable de l'existence d'un domaine qu'il appelle le «non-délibérable», c'est-à-dire qui échappe à la délibération des assemblées parlementaires. «Dans cette sphère, les Églises sont habilitées à prendre position publiquement. Elles en ont l'obligation morale, et leur statut de droit public leur en garantit l'exercice efficace. Les convictions, dont il leur appartient de témoigner, correspondent à des valeurs fondamentales de la société.» Tel est, conclut H. Schmidt, l'esprit de la Loi fondamentale de 1949 (Art. 1er).
C'est là une option juridique que ne sauraient ignorer les pays membres de l'Union, ou candidats à celle-ci, qui tendraient à enfermer les Églises et institutions religieuses dans la sphère privée. Bref, ce livre appelle les États et les Églises à penser leurs rapports à frais nouveau au nom de la liberté religieuse, de la liberté de conscience et, tout simplement, de la liberté politique. - P. Lebeau, S.J.

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