Dans les premiers siècles de notre ère, cette théologie brille d'un certain éclat où se détache Isidore de Séville (†636), théologien, liturgiste et encyclopédiste qui sauvegarda les connaissances de son époque. L'arrivée de l'islam au VIIIe s. ralentit la vie théologique en ne favorisant guère que l'apologétique où se distingua Raymond de Peñafort (†1275). Après la reconquête de l'Espagne arriva le fameux XVIe s. de Charles Quint et de Philippe II qui fut aussi le «siècle d'or» de la théologie, avec ses deux grands centres, Salamanque et Alcalá et ses grands penseurs tels Melchior Cano, François de Vitoria, Bañez, Maldonat, Fr. Suarez… Mais ensuite commença le déclin avec l'enfermement dans une scolastique dévitalisée et répétitive jusqu'au XXe s.; en 1900, elle fut encore ralentie par le modernisme avec les querelles sur l'évolution du dogme et les débats sur la nature et la grâce. La guerre civile freina encore le développement théologique et le franquisme isola l'Espagne qui se replia sur elle-même.
Après 1950, le pays s'ouvrit peu à peu à la théologie franco-allemande qui a tant influencé le concile. À la suite du concile, la théologie espagnole opéra un remarquable et rapide effort d'aggiornamento, trouvant de nouveaux critères de compréhension et des positions plus conformes à la pensée personnaliste de notre époque, malgré l'opposition passionnée des conservateurs jugeant menacée la foi traditionnelle de l'Église. L'Espagne fit d'abord un gros effort de traduction des grands théologiens et exégètes étrangers, puis rénova ses manuels de théologie; elle s'ouvrit aussi à la théologie de la libération pour l'Amérique Latine et chercha en éthique de nouveaux fondements théologiques et bibliques. Ce renouveau a suscité la naissance de revues théologiques et bibliques, de nouveaux centres d'études et de recherches, tel le dialogue intra-ecclésial et oecuménique. Les théologiens osent se confronter critiquement à une société en voie de sécularisation croissante, dans la confiance que foi et raison ne s'excluent pas, mais doivent s'enrichir mutuellement.
M.G.G. dresse enfin un tableau des progrès encore à faire en théologie fondamentale, dogmatique et morale pour rester en dialogue avec le monde moderne dans lequel sont plongés les chrétiens. Les lecteurs apprécieront ce petit livre franc et direct qui ne cache pas les faiblesses et reste ouvert à l'espérance. - B. Clarot sj