La vertu de miséricorde selon saint Thomas d’Aquin

Jean-Baptiste Cazelle o.s.b.
Philosophie - Recenseur : Pascal Ide

Ce livre écrit par Jean-Baptiste Cazelle, moine de l’abbaye de Fontgombault, reprend un mémoire soutenu à l’Institut Saint-Thomas-d’Aquin à Toulouse. Le titre en dit l’objet. Tout en proposant une exégèse précise des textes de l’Aquinate sur la miséricorde (désormais « m. ») humaine (principalement ST, IIa-IIæ, q. 30), il répond de manière systématique à trois questions : la m. est-elle un sentiment ou une vertu ? est-elle une vertu naturelle (païenne) ou chrétienne ? se rattache-t-elle à la justice ou à la charité ? L’étude des sources ébauche une réponse aux deux premières questions : pour Aristote et les Stoïciens (surtout Cicéron), la m. est une passion (quoique diversement interprétée), alors que, suite à l’Écriture, la liturgie et saint Augustin, elle est une vertu. L’analyse théologique permet d’abord d’en comprendre l’objet ou plutôt la quasi-cause matérielle, qui est entre la peine et la faute, engendrant une « tristesse du mal d’autrui » ; et la nature : assumée dans une élection visant le bien rationnel, cette tristesse devient vertueuse. Mais de quelle vertu, la justice ou la charité ? Dans la dernière partie qui est la plus originale et la plus questionnante, l’A. avance pas à pas. Il expose la première hypothèse : la m. serait la réponse à une dette non pas légale, mais morale, dont une partie potentielle de la justice. Mais ce serait nier la gratuité, particulièrement évidente dans le pardon. Mais comment la gratuité peut-elle à son tour fonder la m. ? Le bénédictin émet l’hypothèse que ce serait l’amour d’amitié (à ne pas confondre avec l’amitié), précisément sous sa forme théologale qu’est la charité. L’intuition centrale, plus ébauchée que développée, est que « notre miséricorde devient une véritable participation de la miséricorde divine. Nous devons d’abord recevoir de Dieu l’amour et la miséricorde pour pouvoir nous tourner efficacement vers les autres » (p. 253).

Ce travail limpide et stimulant, qui ose interroger saint Thomas, appelle à l’évidence une thèse qui articule plus précisément dette et don, et, plus encore, convoque la dynamique entrevue de l’amour comme réception et donation. — P. Ide

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