Le christianisme en refondation, préf. J. Moingt

Yves Ledure
Théologie - Recenseur : Paul Detienne s.j.
Héraut de la modernité, Feuerbach (L'essence du christianisme, 1841) présente le christianisme judéo-hellénique comme un succédané philosophique, dont la théologie (métaphysique, aliénante) est appelée à céder le pas à une anthropologie, où l'homme ne se détermine plus par rapport à l'être, mais se comprend à partir de son parcours historique singulier. L'A., professeur à l'université de Strasbourg, répond que le christianisme, plutôt que d'être une essence dont la problématique métaphysique repose sur un invariable (la nature humaine), est une démarche proprement anthropologique, dont le moment spécifique est d'ordre historique.
L'histoire conduit l'homme à sa réalisation ultime en Dieu; l'ultime divin ne supprime pas la dynamique vitale. Le religieux et l'eschatologique sont une modalité du devenir de l'homme; le transcendant n'empêche pas l'homme d'être lui-même, mais donne à l'historicité sa cohérence: il faut à l'histoire la tension eschatologique pour développer ce qu'elle projette. Le christianisme ne part pas d'une certaine idée de Dieu; il commence dans le parcours historique de Jésus de Nazareth. Là où la philosophie grecque parle d'immortalité de l'âme, le christianisme parle de résurrection, témoignage de l'efficacité de Dieu dans le parcours humain… non pas une idéologie, mais la phénoménologie d'un devenir anthropologique ouvert à Dieu.
À noter par ailleurs que la messianité christique n'est pas en continuité avec la thématique judaïque, dont l'expérience religieuse révèle un monothéisme sans universel, un Dieu, nous dit l'A., en qui rien n'est accessible à l'homme. Il invite le christianisme, aujourd'hui dogmatiquement et institutionnellement durci, à se dégager de la vision patriarcale d'un Dieu tout-puissant, dans l'ambiguïté de sa solitude radicale: l'ombre de la première figure pèse toujours sur la civilisation chrétienne, façonnée par une survalorisation de l'obligation morale qui s'enracine dans l'absolutisation de la foi. - P. Detienne, S.J.

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