Le Dieu des femmes, tr. D. Bauschke et A. Cassiers, rev. par l'A., postf. B. Van Meenen

L. Muraro
Théologie - Recenseur : Jean Radermakers s.j.
Un livre insolite qui nous fait plonger dans un double monde: celui de la philosophie d'abord, avec son questionnement sur l'être et sur l'existence de Dieu; celui du féminisme ensuite, qui nous met en contact avec la perception féminine de l'être humain et celle de la présence divine. Et cela, à partir d'une étude de l'A. sur un livre mystique: Le miroir des âmes de Marguerite Porete, et d'autres écrits de femmes du Moyen âge parlant de leur dialogue avec Dieu. En outre, le style poétique de l'A., imagé, échappant souvent à une froide rationalité, révèle un espace intérieur de liberté où discrètement surgit la réalité de l'Amour. «Amour: cette âme nage en l'océan de joie, c'est-à-dire en l'océan des délices qui s'écoulent et ruissellent de la Divinité. Et ainsi nage-t-elle et s'écoule-t-elle en joie, sans sentir aucune joie. Car elle demeure en joie et joie demeure en elle…» (p. 17): citation de M. Porete qui donne la mesure de ce type d'écriture. La lectrice ou le lecteur, s'ils poursuivent leur lecture, perdront peu à peu leurs repères habituels, et cela, dès l'introduction qui s'intitule «En 'vacance' pour toujours». Ensuite, le premier chapitre donne le ton: «Je ne sais pas bien ce que j'appelle Dieu», et nous voilà partis avec l'A. en quête: «Fragilité des commencements», «Théologie fabuleuse», «Dégager l'impossible», pour arriver à «L'intelligence de l'amour». Les conditions de ce cheminement sont: «Pénurie et passage» et «La médiation vivante» où elle évoque les commencements du christianisme, avec Marie de Nazareth: «l'esprit ouvert à l'écoute de l'autre, au-dedans-dehors d'elle» (p. 160), puis avec Paul, dont elle retient le renversement du chemin de Damas, avec la citation personnelle de 1 Co 1,28s.: «Dieu a aboli ce qui est consistant et puissant pour pouvoir agir en ce monde et y faire entrer la vie» (p. 161).
Bref, le Dieu des femmes est-il Dieu tel qu'il existe ou tel qu'elles se l'imaginent? Mais peut-on parler des «femmes» en général? Et comment perçoivent-elles Dieu? Et est-ce Dieu qu'elles perçoivent ainsi, ou bien une intuition d'elles-mêmes qu'elles divinisent? Toutes sortes de questions qui se pressent en nos esprits, car l'A., philosophe italienne et féministe de surcroît, auteure de plusieurs livres et de nombreux articles sur les femmes, mêle souvent les deux approches.
Livre étrange, fascinant et désespérant tout ensemble, car il donne l'impression d'une danse sans fin qui provoque le tournis. Le Dieu des femmes nous sature et nous échappe, comme cet ouvrage qui en parle, et que B. Van Meenen tente de nous expliquer en reprenant une phrase de l'A.: «Il est bien vrai que nous, les femmes, nous prenons avec Dieu une liberté à laquelle les hommes ne songent même pas» (p. 165, citant p. 61). Et si le Dieu des femmes et celui des hommes était le même? Celui à la ressemblance duquel nous sommes créés, les unes et les autres? - J. Radermakers sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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