Le discernement des esprits selon Ignace de Loyola. Les aléas d’une transmission (xvie-xxsiècle)

Dominique Salin
Théologie - Recenseur : Alban Massie s.j.

Dans la collection Petite bibliothèque jésuite, maintenant bien installée dans le paysage éditorial français, le jésuite Dominique Salin, ancien professeur d’histoire de la spiritualité au centre Sèvres (Paris), offre un parcours historique de l’approche ignatienne du discernement des esprits qui aboutit à la présentation des diverses manières actuelles de vivre les Exercices spirituels. C’est en effet du livret des Exercices que sont issues les « règles de discernement », plus exactement les « Règles pour sentir et reconnaître en quelque manière les diverses motions qui se produisent dans l’âme » (ES 313). La part belle de cet ouvrage concerne l’expérience d’Ignace lui-même, que l’A. déchiffre à partir du Récit du pèlerin ou du Journal des motions mais aussi des Lettres et jusqu’aux Constitutions. Pour lui, le discernement doit pouvoir conduire celui qui agit à dire « c’est moi qui ai décidé » à l’instar d’Ignace lui-même qui n’est pourtant pas dupe de l’action de la grâce sur lui.

C’est pour cela que D.S. invite à redécouvrir les « esprits » à travers la notion d’« affect », tout en récusant une interprétation du discernement qui serait seulement à hauteur d’homme, c’est-à-dire uniquement psychologisante. Il retrace alors l’histoire de l’accompagnement spirituel ignatien depuis le xvie s. jusqu’à nos jours, marquée par des affrontements : opposition entre contemplation et action, accent mis sur l’élection concrète ou sur l’union de l’âme à Dieu, spiritualisation ou psychologisme, part prise dans le discernement par la raison ou par la sensibilité et l’émotion… jusqu’à la mise en œuvre actuelle du discernement communautaire ou à la pratique des Exercices dans la vie ordinaire.

Précisément, la question du discernement comme finalité des Exercices conduit à examiner les « temps » proposés par Ignace. On n’est pas surpris que la préférence soit donnée ici aux 2 derniers temps (ES 175-188) au détriment du premier temps « lorsque Dieu notre Seigneur meut et attire la volonté de telle façon que, sans douter ni pouvoir douter, l’âme qui lui est fidèle suit ce qui lui est indiqué » (ES 175, 2), peut-être parce qu’il s’agit alors d’accueillir un appel qui ne vient pas de nous et qui rejoint la consolation sans cause, ce qui est toujours à discerner. Comme le dit justement D.S., il s’agit sans doute alors de reconnaître que « si loin que l’homme aille en lui-même, il y a toujours plus grand et mystérieux que lui en lui » (p. 125).

Par sa clarté et sa tranquille autorité, cet ouvrage est à recommander pour tout accompagnant spirituel, mais peut-être aussi pour tout leader appelé à prendre des décisions qui permettent à la liberté humaine de s’épanouir dans la rencontre avec Celui qui nous rend libre. —A.Ms.

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