Assez tôt dans son histoire, l'éducation est devenue un apostolat
majeur de la Compagnie de Jésus. Très rapidement les «bons Pères»,
même en adoptant le modus parisiensis pour leur enseignement, ont
été un sujet d'étonnement pour beaucoup, honnis par les uns et
adulés par les autres.L'ouvrage de Ph. Rocher retrace quatre
siècles d'histoire de l'oeuvre éducative jésuite. Mais, comme
l'indique le sous-titre, cette histoire concerne avant tout la
France. En se focalisant sur un Ordre religieux déterminé - c'est
l'intérêt de cette étude - l'A. permet de suivre tous les débats
qui agitèrent les générations successives de Français, tant sous
l'Ancien Régime qu'après la Révolution, à propos de l'enseignement
dispensé par l'Église dans le cadre de sa mission plus
générale.Quant à l'éducation jésuite proprement dite, elle connut
bien des avatars. L'enseignement de la jeunesse par la Compagnie
naquit en quelque sorte comme un greffon de la formation qu'elle
dispensait à ses propres sujets, s'adressant à des «externes», de
plus en plus nombreux, qui souhaitaient profiter des programmes et
de la manière de les dispenser. Et quand on sait ce qu'est la
formation du religieux jésuite, on imagine sans peine toute
l'armature que l'enseignement donné aux non jésuites pouvait
présenter comme caractéristiques.Articulé autour de la Ratio
studiorum, cet enseignement de la Compagnie connut bien des
évolutions: structures d'accueil (collèges, universités, écoles
dites «techniques»…), choix des enseignants, adaptations ou refus
de modification des programmes aux différentes époques, sans
oublier les évolutions «idéologiques» de la Compagnie elle-même,
qui ne furent pas minces dans les dernières décennies.Deux
interrogations. N'aurait-il pas été intéressant de fonder aussi
cette étude sur les Bulles de fondation de la Compagnie, où l'on
parle expressément des établissements d'enseignement, et sur la
formule des derniers voeux des Jésuites prêtres, où est incluse la
promesse d'avoir un soin particulier de l'instruction des enfants?
Par ailleurs, pourquoi ce titre donné au dernier chapitre: «De la
pédagogie des Jésuites à l'éducation ignatienne»? Sans doute parce
que les Exercices d'Ignace sont de plus en plus «partagés», formant
comme un point de ralliement à ce qu'on désigne de plus en plus par
l'expression de «famille ignatienne»; mais qu'on ne s'y trompe: les
Exercices d'Ignace ne sont pas la seule pierre fondamentale de la
Compagnie; le sacerdoce y est primordial. - B. Joassart sj
