Dédié à Soeur Suzanne Eck, bien connue des amis d'Eckhart et de
Tauler, cet ouvrage du xive siècle recueille des textes composés ou
recopiés par des laïcs «Amis de Dieu», écrits organisés bien plus
tard, dans les milieux de la chartreuse Sainte-Barbe de Cologne par
Nicolas Eschius, Pierre Canisius et Laurent Surius. C'est Maître
Eckhart qui est le plus paraphrasé, avec Jean Ruysbroeck (ou Henri
Suso), puis Jean Tauler lui-même, mais aussi bien des maîtres
anonymes, de la fin du xive au début du xvie siècle. «Enraciné dans
la tradition biblique, puis intériorisé dans la mystique
rhéno-flamande, le Livre des Amis de Dieu déploie donc sa sève
pleine de vie jusque dans les cimes du Carmel espagnol et de
l'École française de spiritualité», voire du classicisme français
ou chez les solitaires de Port-Royal (p. 17-18). Tauler, maintient
le présentateur (qui le défend sans cesse et vigoureusement en
note, e.a. 192) est bien l'auteur de l'ouvrage, «en ce sens que
toute la doctrine, toutes les pensées sont de lui» (p. 45). On ne
s'étonnera donc pas d'y trouver la résignation (gelassenheit) dans
l'épreuve et dans la joie, l'accomplissement en nous de l'éternelle
génération du Père, la suréminence du livre de la conscience sur
tous les écrits. Des notes biographiques et bibliographiques
permettent de situer cette réédition d'une oeuvre qui permit à la
pensée d'Eckhart (et de son entourage béguinal) de continuer à
rayonner. - N. Hausman scm.