Médiéviste, G. Miccoli s'est toujours également intéressé de très
près à l'histoire contemporaine. Son ouvrage Les Dilemmes et
les silences de Pie XII, paru en italien en 2000 puis en
français en 2005 (cf. NRT 128 [2006] 444), pour ne citer
que celui-ci, compte parmi les meilleurs sur ce sujet pour le moins
délicat. Dans le cas concret, il s'est attaqué à une matière tout
aussi complexe, puisqu'il traite d'une personnalité marquante de
l'Église contemporaine. Encore convient-il d'attirer l'attention du
lecteur sur certaines caractéristiques du livre. Le titre de
l'édition originale en langue italienne, qui date de 2007, est
In difesa della fede. La Chiesa di Giovanni Paolo II e
Benedetto XVI; ce n'est donc pas le seul pontificat de
Jean-Paul II qui est concerné, mais aussi les premières années de
celui de son successeur. D'autre part, Miccoli a choisi une
approche spécifique: son étude est fondée essentiellement sur
l'«imprimé» (encycliques, discours, articles de presse ou de
revues, etc.) sans prendre en compte les «archives» - cela se
comprend aisément, celles-ci étant inaccessibles. Enfin, à la
différence d'autres biographies de Jean-Paul II, plus linéaires,
l'A. a choisi de retenir quelques grandes thématiques qui ont
jalonné le règne du pontife, sans pour autant sacrifier totalement
la chronologie. Voici les sujets retenus: 1. Vatican II, un
héritage tourmenté; 2. Une lecture «normalisatrice» du concile; 3.
Face à la théologie de la libération; 4. Désignation d'un
«commissaire» auprès de la Compagnie de Jésus (ce chapitre traite
des relations assez conflictuelles entre Jean-Paul II et les
Jésuites, en particulier avec leur préposé général en charge au
début du pontificat, le P. Pedro Arrupe); 5. «Pasteur universel»
(ces pages étudient plus spécialement tout ce qui touche à la
primauté et à l'infaillibilité pontificale); 6. Une «nouvelle
chrétienté» pour l'Europe?; 7. Repentance, pardon et rapport
difficile avec l'histoire; 8. Guerre et paix. L'A. a ajouté «Pour
une conclusion provisoire» (ch. 9), ainsi que les ch. 10 «De
gardien de la doctrine à Pape de Rome: quelle continuité?» et 11
«La question de la laïcité», qui concernent les débuts du règne de
Benoît XVI.Pour la partie - la plus importante - consacrée à la
période de Jean-Paul II, il convient de remarquer le sous-titre
donné à la traduction: «un gouvernement contrasté». C'est en
quelque sorte la thèse de l'A.: si l'on peut constater des
«nouveautés», des «avancées», des marques de «progressisme» chez le
pape, on doit aussi prendre acte de reculs ou, à tout le moins, de
«correctifs» qui paraissent des «retours en arrière», et que dans
certaines situations il mena une politique de deux poids deux
mesures. Évidemment, chose qui demeure toujours un noeud lorsqu'on
examine l'action d'un pape, comme d'ailleurs de personnalités
occupant une fonction majeure dans l'Église, et même de l'Église
elle-même, on éprouve parfois de la peine à prendre l'exacte portée
non seulement des motivations, mais aussi de ce qui est à la racine
de cette action. Il y a un socle intangible donné par la Révélation
qui fait que… Et il n'est pas toujours aisé de voir ce qui
appartient proprement à ce socle et ce qui relève des
«interprétations», sans oublier que le christianisme, dans sa forme
catholique, concerne tous les aspects de la vie humaine et que, dès
lors, les rapports entre l'Église et le monde ambiant ne sont pas
nécessairement exempts de tout conflit. Sans oublier non plus qu'il
est parfois très ardu de comprendre les problématiques des temps
passés et que le présent n'est pas moins complexe.Cela dit, le
livre de G. Miccoli mérite une grande attention. Et s'il se montre
critique à l'égard de certains axes du pontificat de Jean-Paul II,
il n'en fait pas moins aussi percevoir ses aspects positifs. - B.
Joassart sj