Le sens littéral des Écritures, dir. O.-Th. Venard

(éd.) EBAF
Écriture Sainte - Recenseur : Jean Radermakers s.j.
C'est un précieux document que nous livrent les collègues du Fr. Jean-Michel Poffet op., directeur de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem de 1998 à 2008. Le Fr. Olivier-Thomas Venard, professeur de N.T. à cette illustre École se fait l'éditeur de douze contributions de haut niveau concernant le «sens littéral» de l'Écriture. Où faut-il le chercher, en effet? De nombreux commentateurs aujourd'hui l'adossent à l'histoire authentique (et donc hors texte) dont parlent les textes. D'autres sont davantage attentifs aux effets que ces textes produisent sur leurs lecteurs, au risque parfois de réduire la révélation à une «fiction littéraire». Dans quel sens se dirige l'herméneutique actuelle?
Pour éclairer la problématique avec netteté et précision, l'éditeur introduit le volume en répartissant les écrits de ses collègues en trois parties: l'histoire comme principe d'unité, tentatives contemporaines pour penser l'articulation des sens, la lettre comme principe unificateur. Dans la 1re partie, le P. M. Gilbert, jésuite (PIB, Rome et Jérusalem), rappelle les enseignements du magistère à propos du «sens littéral des Écritures», de 1893 à 1993. Ensuite, le Fr. Fr. Gonçalvez, dominicain (Jérusalem), analyse la quête du sens historique originaire dans l'exégèse historico-critique et le Fr. É. Nodet, dominicain français (Jérusalem) bien connu par ses travaux sur Flavius Josèphe, se demande si les personnages bibliques relèvent de l'histoire factuelle ou de l'iconographie, et sa conclusion accumule les interrogations ouvertes.
La 2me partie aborde la question de l'articulation des sens chez les chercheurs contemporains. Le dominicain polonais Kr. Sonek (Jérusalem) résume sa thèse doctorale sur Gn 21,1-21, où il dégage le sens littéral et les divers niveaux de signification. Le P. Carme hispano-français J.-E. de Ena étudie à partir de P. Ricoeur le sens littéral du Cantique: la parole vraiment humaine peut-elle être aussi Parole divine? Le dominicain américain G. Tatum (Jérusalem) tente de cerner le sens précis de 2 Co 3,6: «La lettre tue, l'esprit vivifie»; la polyvalence du sens littéral est ici encore en cause.
La 3me partie apporte un éclairage neuf: U. Gabbay, israélien, prof. d'assyriologie à l'Univ. hébraïque, compare au midrash rabbinique le sens littéral cunéiforme qui en est le point de départ; le français Chr. Rico, prof. de grec (Jérusalem), examine comment Jérôme traduit le sens littéral avec une remarquable précision; J.-M. Poffet, dominicain franco-suisse (Fribourg) tente de déterminer ce qu'Origène et Augustin entendent par «sens littéral»; le français G. Dahan, spécialiste du Moyen Âge chrétien, précise ce que l'exégèse chrétienne médiévale entend par «sens littéral» à partir de la clé christologique. Intéressante aussi est la contribution de D. Millet-Gérard, française, prof. de lettres et spécialiste de Claudel, qui s'attache à caractériser la poétique du maître inspirée du sens littéral.
En conclusion, l'éditeur de l'ouvrage s'efforce de ramasser la substance des articles pour élaborer la problématique actuelle du sens littéral. Il montre comment différentes sensibilités théologiques (tendances rhétorique ou littéraire), voire différents tempéraments spirituels, proposent plusieurs modèles de «sens littéral». Faut-il finalement choisir entre compréhension du texte et interprétation? L'inflation herméneutique des chercheurs actuels amène à se demander si la distinction entre sens littéral et spirituel n'est pas artificielle. Si nous revenions à l'interprétation rabbinique reprise par les commentateurs médiévaux, n'aurions-nous pas là une clé intéressante: le sens spirituel se trouve dans la lettre, et ainsi l'on tient son sens théologique. N'est-ce pas ce que tente «l'analyse narrative», qui articule les quatre sens: histoire, littérature, théologie, symbolique au sens fort?
Cet ouvrage est une source de réflexion sérieuse; il invite l'exégète à se poser les vraies questions à propos du texte et de son message. Le débat entre les collaborateurs de ce livre s'avère passionnant: «Que s'est-il passé sur la scène de l'histoire? Que se passe-t-il dans la lettre du texte? Que se passe-t-il entre le texte et son lecteur, à la lumière de l'Esprit saint?». Merci à l'École biblique de nous y plonger. - J. Radermakers sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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