Bernard Schumacher, professeur de philosophie à l’Université de Fribourg, édite ici sept contributions dont il donne très pertinemment la substance en son avant-propos sous l’intitulé : « le temps du mourir : un temps qui permet de reprendre souffle ». La temporalité propre au vécu du mourant (car le mourant, lui aussi, est un vivant) descend en effet sous la linéarité inexorable et essoufflante du temps des horloges (chronos) pour rejoindre les profondeurs personnelles du temps de l’esprit (kairos). Alors que l’opinion courante tient le temps de l’agonie pour un temps mort, les auteurs ici rassemblés y voient l’occasion d’une expérience décisive qu’il serait dommage de manquer, soit en cédant à la tentation de l’euthanasie, soit en posant le choix du déni. Car ce temps du mourir permet à la personne de se situer en vérité devant elle-même et devant autrui, offrant par-là au reste des humains une nouvelle occasion de réfléchir sur leur propre finitude : « on pense que ce sont les vivants qui ferment les yeux des mourants, mais ce sont les mourants qui ouvrent les yeux des vivants ». Médecins (T. Collaud, P.J. Larkin, A. Rey), philosophes (N. Aumônier, D. Le Guay, B. Schumacher) et sociologue (P. Baudry) s’emploient tour à tour à montrer la richesse de ce temps unique et – quoi qu’en disent les apparences – éminemment relationnel où s’apprennent l’unification intérieure, le lâcher-prise, la prévention de l’angoisse, l’humanité du regard… L’invention relativement récente des soins palliatifs (1950 : l’ère des pionniers) y reçoit, à juste titre, une place privilégiée. N’est-ce pas là, en effet, que « le point final est remplacé par des points de suspension » ? Avec tout de même une question : comment assurer la transmission d’une saine culture de l’accompagnement ? Et une autre : comment éviter l’acharnement palliatif ? Les références théologiques sont rares : on en trouve, p. ex., sur le constat de l’exculturation chrétienne ou sur l’importance de la compassion bouddhiste… mais l’ouverture à la transcendance se devine à chaque détour de la réflexion sur la temporalité, sur l’acte de mourir, sur la vie reçue et donnée… Au total, voici un ouvrage bien fait où convergent la finesse des observations de terrain et la profondeur de l’analyse philosophique (épinglons en particulier l’invitation de D. Le Guay à prendre soin… du temps lui-même). Une solide bibliographie clôt l’ouvrage. — X.D.

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