Les témoins de la Résurrection de Jésus, Du tombeau vide à l'ascension, ** Les apparitions de reconnaissance

Th. Kowalski
Écriture Sainte - Recenseur : Philippe Wargnies s.j.
Petit livre riche, mais représentatif d'une exégèse sui generis, d'une liberté d'esprit très informée, sans doute fort autodidacte. L'enseignement nourrissant ces pages a dû passionner, pour le meilleur mais pas toujours. Décédé inopinément, l'A. enseigna longtemps au Studium de l'École cathédrale (Paris). Le Cahier 49 rassemble des textes de lui sur le Serviteur Souffrant. Le présent cahier restera peut-être le seul paru (et le second, organiquement), d'un triptyque en projet: la découverte du tombeau vide (I); les apparitions «de reconnaissance» (II, ici recensé); les apparitions d'«envoi en mission» (III).
L'étude parcourt, en s'efforçant de les reconstituer au plus près, les événements survenus dans la semaine après la Résurrection. Elle suit l'ordre chronologique de ce que l'A. reconstruit comme «scénario primitif» des traditions véhiculées à ce propos dans la communauté chrétienne naissante. Un chapitre préalable interroge le sens historique des récits d'apparitions, qui évoquent des expériences matérielles du corps ressuscité mais non encore glorifié du Seigneur. Cf. plus loin: «Le ressuscité jouit donc d'un mode de présence physique intermédiaire entre la situation antérieure à la Passion et celle qui suivra la glorification par l''enlèvement au ciel'» (54); spécificité des «'quarante jours' où le corps de Jésus continue de participer aux conditions de la vie terrestre sans être encore glorifié» (70).
Ceci posé, on passe en revue, en des chap. de 5 à 28 pages, les apparitions: à Marie-Madeleine; aux disciples d'Emmaüs; à Pierre; aux disciples au Cénacle; à Thomas. Les chap. VI et VII (79-123) approfondissent l'apparition au rendez-vous en Galilée, telle qu'elle ressortirait des traditions écrites et orales. L'enquête conclut que «le repas du Ressuscité au bord du lac a été une Eucharistie», laquelle a comporté, pour une foule nombreuse de disciples, «une Multiplication miraculeuse de l'unique pain et de l'unique poisson, c'est-à-dire une troisième Multiplication destinée à manifester la Résurrection du Christ» (120-121). La conclusion générale résume la reconstitution du «scénario primitif» (125-126).
L'examen historico-critique se veut souvent minutieux. Parcourant les récits évangéliques, Th.K. affine ou, souvent, chamboule les opinions communes quant à l'identité des personnages, les lieux et les moments, voire la nature des événements relatés. La démarche intègre des options déterminées sur la genèse rédactionnelle et la façon dont les traditions sous-jacentes ont pu s'influencer. On débouche chaque fois sur une interprétation théologique et spirituelle qui vise une cohérence globale, spécialement soucieuse des catéchèses eucharistiques et baptismales identifiées comme sous-jacentes. L'A. cherche à étayer et relier ses multiples hypothèses. Grâce à sa grande culture biblique et à sa connaissance de l'antiquité chrétienne et des anciennes traditions attestées en Terre Sainte, il brasse des arguments archéologiques, géographiques, historiques, philologiques (étymologie, toponymie) au moulin de ses raisonnements entrelacés. Puisant à divers niveaux dans sa vaste information, il aboutit à des reconstructions astucieuses, voire amplement bâties, mais dont on évaluera diversement les degrés de plausibilité: au-delà d'intéressants rapprochements opérés au passage, bien des échafaudages d'ensemble, à étages multiples, paraîtront fragiles.
À vouloir trop prouver - jusqu'à chronométrer les disciples d'Emmaüs, p. ex. (31-34) -, on finit par irriter. Surtout si, par ailleurs, on se sent autorisé, p. ex., à situer l'apparition à Thomas le lundi de Pâques… (72): Th. K. préfère présupposer des maladresses ou des erreurs chez les rédacteurs évangéliques plutôt que d'abdiquer une hypothèse (89-90). En s'obstinant à résoudre les incompatibilités - à un certain niveau de représentation historique - entre les récits évangéliques, l'A. se lie à une entreprise de concordisme dérogeant finalement à la lettre du texte pour sortir des apories où elle s'est placée. La cohérence littérale et théologique de chacun des évangiles en son état final en sort malmenée. L'effort pour exposer, en 120 pages, les tenants et aboutissants des positions prises s'assortit d'un style ardu, dans une typographie alourdie; il faut débroussailler des phrases surchargées au fil de raisonnements parfois bien touffus (92-95).
Pourtant, le livre fourmille, pour le lecteur avisé, d'observations et de pistes suggestives. Si l'entreprise laisse admiratif et dubitatif à la fois, elle aiguillonne. On se dit que le P. Kowalski dut être aussi passionné qu'irritant quelquefois, aussi fascinant qu'intransigeant sur ses options. Qu'il soit remercié pour la ténacité de ses enquêtes et son opiniâtre enthousiasme à suivre le Verbe fait chair jusque sur le terrain de ses apparitions post-pascales. - Ph. Wargnies, S.J.

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