Dans leur préface, D. et M. Tronc ne craignent pas d'appeler Madame
Guyon «l'une des très grandes mystiques du XVIIe siècle français».
À qui s'en étonnerait, il suffirait de rappeler sa réhabilitation
par un des spécialistes aussi exigent que Louis Cognet. Pourtant,
remarquent-ils, «sa grandeur et ses écrits restent méconnus». Nous
n'avions juqu'ici accès qu'aux oeuvres de sa jeunesse qui
correspondent à son expérience acquise avant sa trente-septième
année. Il est vrai que par la suite -elle vécut jusque
soixante-neuf ans- elle s'abstint de composer de nouveaux ouvrages.
Mais elle avait appris la nécessité d'adapter les conseils
spirituels aux chemins de chacun et elle avait, dans ce but,
composé de brefs opuscules sur telle ou telle question
particulière. Des disciples, - ses visiteurs à Blois, notamment -,
rassemblèrent ces écrits et les lettres qu'elle envoya à cette
époque: cet ensemble constitue le coeur de l'oeuvre de Madame Guyon
dans sa pleine maturité mystique. D. et M. Tronc proposent ici,
avec bonheur, «un choix de pièces disposées selon un ordre
ascendant du point de vue de l'approfondissement» spirituel, très
proche de celui de Pierre Poiret, son premier éditeur. On y
découvre une perspective qui se situe, à travers Benoît de
Canfield, dans la tradition des Rhéno-flamands. C'est dire qu'il
s'agit d'une spiritualité d'intériorité et de dépouillement,
enracinée dans la contemplation du Christ et de la Trinité. Certes,
c'est une spiritualité «néantisante», mais qui, heureusement, se
vit dans l'amour. - H. Jacobs sj