Augusto Del Noce (1910-1989) est un philosophe italien qui fut
militant de la gauche chrétienne contre le fascisme et enseigna à
l'Univ. de Trieste. En 1964, lors d'un congrès à Venise il
rencontra É. Gilson. Une correspondance, de 1964 à 1969, exprima
l'amitié qui y prit naissance: en tout 14 lettres, dont 13 de
Gilson et 1 de Del Noce. L'édition qu'en donne M. Borghesi comporte
des notes et une bibliographie abondantes. Surtout, elle nous offre
une présentation de la pensée des deux philosophes et de leur
influence réciproque. Del Noce avait fait sa thèse sur Malebranche
en qui il voyait le «grand médiateur entre la philosophie française
et l'italienne». Il en fit part à Gilson pour qui ce fut une
véritable découverte. Mais le courant ontologiste qui s'y exprimait
demeura étranger à Gilson, comme lui resta étrangère la vision de
Del Noce pour qui l'athéisme moderne avait trouvé son point
culminant dans Marx. Ce que Del Noce découvrit dans Gilson, c'est
un auteur qui, avec son «thomisme existentiel», consentait au
dépassement du dualisme de la pensée chrétienne moderne, celui qui
existait entre la néoscolastique et l'existentialisme théiste,
héritier de l'augustinisme post-cartésien (p. 46). Aux yeux de Del
Noce, le Thomas de Gilson conduit à Pascal, mais s'oppose
totalement à Gentile. Gilson ne fut pas sans être influencé par son
correspondant. On le constate à propos de la preuve ontologique:
Gilson, qui l'avait refusée comme conséquence de l'essentialisme de
Descartes, admit dans L'Être et Dieu une notion de Dieu
issue d'une «sorte d'expérience prémétaphysique antérieure à toute
réflexion ontique». Il semble bien aussi que Del Noce amena Gilson
à réviser la conception qu'il s'était faite de la métaphysique de
Descartes. - H. Jacobs sj