Cet ouvrage, avec son sous-titre énigmatique, « la vie conversante de Jésus selon Matthieu », est le fruit mûr et savoureux d’un long dialogue théologique entre une exégète, Marie de Lovinfosse, et un théologien, Emmanuel Durand.

Cette « vie conversante » n’est pas faite que de mots, car la conversatio Christi ne désigne pas tant les paroles de Jésus que la manière dont il a voulu vivre notre vie, assumer notre humanité, manifestant par là même cette autre « conversation », primordiale et ultime, celle que Dieu veut vivre avec l’homme.

« La “vie conversante” de Jésus a singulièrement rapproché Dieu de l’humanité. Le mode d’être de Jésus, sa puissance d’interpellation, sa prédilection pour les petits et les pécheurs, ont donné aux êtres humains, spécialement les moins équipés, des possibilités nouvelles pour connaître et vivre l’amitié avec Dieu. Les paroles de grâce et les gestes humains de Jésus sont devenus expressifs du règne de Dieu. Ils ont initié les disciples et les foules à une mise en œuvre intégrale de l’alliance. Envisager la “vie conversante” de Jésus revient à contempler les ressorts humains et divins d’une sainte amitié et convivialité avec Dieu » (p. 32).

Sept tableaux matthéens ont donc été choisis par les A. pour honorer chacune des sections narratives de l’évangile et présenter la diversité des personnages en lien avec Jésus : des responsables politiques et autorités religieuses, des pécheurs et des disciples, des femmes, des païens, son Père, etc.

Pour chacune des péricopes retenues (Joseph et Hérode, Mt 1,18–2,23 ; Matthieu et les pécheurs, Mt 9,9-17 ; la femme cananéenne, Mt 15,21-28 ; les fils de Zébédée et leur mère, Mt 20,17-28 ; la femme au parfum de grand prix, Mt 26,6-13 ; Jésus et son Père à Gethsémani, Mt 26,36-46 ; les femmes et les Onze en mission, Mt 28), la présentation est toujours la même, structurée en trois moments : 1) analyse narrative : contexte, particularités du récit en synopse avec les autres évangiles, personnages, indications de temps et de lieu, vocabulaire particulier, genre littéraire et structure ; 2) interprétation textuelle (M. de Lovinfosse) ; 3) développement théologique (E. Durand).

Outre la rigueur de la démarche, il faut ici saluer la clarté et la pédagogie avec lesquelles sont présentés les fruits de la recherche. Un ouvrage qui manifeste clairement la fécondité qui résulte d’une coopération, toujours à promouvoir, entre exégètes et théologiens, pour que l’étude de la Sainte Écriture demeure et devienne toujours plus l’âme de la théologie. — M.-D. Weill c.s.j.