L'expérience quotidienne de notre société nous avertit qu'il est difficile de donner sa confiance à autrui. Comme si un mouvement intérieur nous retenait dans nos relations, empêchant entre nous une compréhension vraie et pourtant lucide ; toujours la défiance détruit nos efforts de rapprochement. Et voilà que la célèbre conférencière protestante Lytta Basset, théologienne de terrain et fine psychologue, nous propose un chemin concret pour « oser la bienveillance ». Cet ouvrage vient à la suite d'autres de la même encre ; rappelons : Le pardon originel(1995, 2003²), Moi, je ne juge personne (1998, 2003²), La fermeture à l'amour (2000),Sainte colère (2002, 2006²), La joie imprenable (2004), Culpabilité, paralysie du coeur(2012), Le souffle va où il veut (2013).
Partant d'une conception tronquée du « péché originel » issue de Luther et héritée d'Augustin, qui nous a été inculquée avec la sauce janséniste, l'A. a beau jeu d'en diagnostiquer les méfaits : « dérive pathologique proposée à l'Occident » (p. 37). Elle entreprend de redécouvrir la bienveillance dont Dieu a tissé l'humaine nature à travers la Bible et Paul pour guérir notre mentalité pessimiste et stoïcienne nourrie de culpabilité, dont nous a délivrés la mission de Jésus. Désireuse de construire, en fille d'une modernité bien comprise, elle s'attache à « prendre en compte toute la réalité humaine » : l'empathie inscrite en l'humain, mais aussi la violence éducative, la maltraitance et la délinquance, jusqu'au mystère du mal actif dans notre bestialité. Elle aborde alors une réflexion salutaire sur la notion biblique de « péché » : souffrance, repli sur soi, emprisonnement, idolâtrie, rupture de relation. Dans son effort de reconstruction de l'homme, elle préconise un régime de « bienveillance », qui est celui de la grâce : don gratuit de Dieu, afin d'éradiquer notre culpabilité paralysante et de nous permettre de prendre en mains nos vraies responsabilités.
À lire ce livre avec sérieux et sérénité critique, nous sommes invités à un examen de conscience personnel et de société, de notre culture et de notre enseignement. Il s'agit de revisiter l'homme et de le restaurer en vérité à partir d'une réflexion authentique et non fondamentaliste sur la Bible et l'Évangile. Nous sommes aussi invités à une liberté responsable et à une joie de vivre notre propre personnalité éclairée par la présence de Dieu en notre chair. Liberté exigeante, mais salvifique parce qu'assumée par la miséricorde divine. Certains passages qui retracent l'histoire des conceptions théologiques pourront paraître superflus, mais leur rappel est éclairant et bienfaisant pour les adultes que nous sommes censés devenir. - J. Radermakers s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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