Ces «paroles déconcertantes» de l'A., que j'ai connu autrefois et
que je considère comme un ami, m'ont certes déconcerté. Peiné,
surtout, car je sens çà et là pointer de l'amertume et de la
tristesse. Sa confession est touchante, car elle est vraie. Sans
doute le fait d'être baigné dans un «christianisme laïcisé» et de
rencontrer des incroyants de diverses tendances l'ont marginalisé
par rapport à la foi en Dieu et à son envoyé Jésus Christ. Les
chapitres défilent, reprenant les griefs que la plupart d'entre eux
développent contre l'Église et les chrétiens: un anti-credo, somme
toute.Je connais bien toutes ces questions auxquelles je me suis
moi-même affronté pour la vérité de mon enseignement, et surtout
pour aider des étudiants qu'effrayaient les négations de la
modernité. L'A. nous fait entrer «dans le vif du sujet», et nous le
suivons dans ses mises en question. Partant de la biologie
scientifique, il souligne la précarité de l'être humain et de son
cerveau base de sa conscience, puis il rappelle les étapes de la
«genèse de Dieu» dans la pensée des Hébreux et nous fait entrevoir
la fin de notre monde, l'«eschatologie». Il nous confronte aussi à
«Jésus qu'on appelle Christ», réduisant son rôle à celui d'un
modeste prédicateur galiléen itinérant du début de notre ère, dont
on a gonflé, mythologisé le destin jusqu'à le déifier. Alors, face
à ces «mythes fondateurs» qui ne tiennent plus devant la raison
humaine, tout s'effondre: l'au-delà, le bien et le mal, avec
l'éthique qui permettrait de les évaluer. Il ne reste plus que la
rencontre entre hommes qui vivent la solidarité et l'amitié dans
des communautés conviviales, loin du «sacré» des rites liturgiques
dénués de sens. Le chemin est classique: désenchantement et
déconstruction de notre être, dès lors que nous abandonnons celui
que nous pourrions appeler «Dieu avec nous»…
Triste parcours, auquel je compatis. Je l'ai refait plusieurs fois,
sans pourtant me laisser déstabiliser, parce que j'ai gardé un
contact constant et vital avec l'Écriture, parole de Dieu, non pas
seulement dans les pages d'un livre, mais dans la vie des pauvres
et des saints que je côtoie chaque jour… Merci, mon cher Max, de
nous déconcerter en nous partageant tes doutes, tes angoisses et
tes combats, épreuve de ta descente aux enfers, et pardon de passer
à travers le fond! M'y suivrais-tu comme je t'ai suivi?
J'attendrais volontiers à présent: «paroles déconcertantes pour un
laïcat à évangéliser». - J. Radermakers sj