Soixante-huit ans après sa mort dans le tragique anonymat
d'Auschwitz, Etty (Esther) Hillesum n'a pas fini de susciter
l'intérêt et d'influencer en profondeur la vie spirituelle d'un
nombre sans cesse croissant de lecteurs. On ne s'étonnera donc pas
qu'elle figure désormais parmi ceux et celles avec qui cette
collection nous invite à «prier 15 jours». Les deux A.s se
distinguent de la plupart de leurs prédécesseurs en ce qu'ils ne
proposent pas des «prières» au sens habituel du mot, mais des
réflexions inspirées par des citations du journal d'Etty, en
laissant le lecteur en nourrir lui-même sa prière, à partir de sa
propre vie. Ils notent avec raison que l'itinéraire spirituel
d'Etty «s'est au fil du temps mué en une grande proximité avec
l'héritage du christianisme», mais ils croient pouvoir souligner
«l'indépendance qui est restée la sienne à l'égard de toute
institution religieuse», ce qui, ajoutent-ils, «la rend proche de
tant de nos contemporains qui semblent mener leur quête à distance
respectueuse des religions «établies».
Cette appréciation nous paraît toutefois appeler quelque nuance. En
fait, on ne trouve nulle part dans les 700 pages des Nagelaten
geschriften la moindre trace d'allergie à l'institutionnel, ni chez
Etty, ni chez son «initiateur» Julius Spier. L'enthousiasme avec
lequel elle évoque les Confessions de saint Augustin, où la «Mère
Église» est très présente, la sympathie avec laquelle elle
accueille au camp de transit de Westerbork des religieux et
religieuses catholiques d'origine juive (dont Édith Stein et sa
soeur) ainsi que d'autres indices, témoignent plutôt du contraire.
Mais il est vrai que son itinéraire spirituel, qu'elle ne
considérait nullement comme achevé, a été brutalement interrompu
par sa déportation. On ne peut donc rien en inférer en ce qui
concerne une évolution ultérieure. - P.L.