Prier 15 jours avec l'Église de Rome (IIIe - VIIe siècles)

Jeannine Siat
Spiritualité - Recenseur : Alban Massie s.j.
Suivant l'adage «lex orandi, lex credendi», l'A. nous introduit à la prière en citant simplement quelques poèmes des premiers chrétiens, mais d'un genre particulier: il s'agit d'épitaphes, d'inscriptions tombales de la Rome paléochrétienne et constantinienne, que l'A. a choisies en puisant à deux sources principales: les Epigrammata que le Pape Damase composa pour orner les tombes de ses prédécesseurs et des martyrs de Rome retrouvées et restaurées sous son pontificat, entre 366 et 384 (édités par M. Ihm en 1895, ils sont traduits en français pour la première fois) ainsi que les épitaphes romaines tirées des Inscriptiones christianae urbis Romae septimo saeculo antiquiores, (I.B. de Rossi, 1857-1915). Ces matériaux, complétés d'hymnes ambrosiennes ou de textes patristiques plus connus, permettent de plonger dans les prémices de ce qui constitue à proprement parler la «culture chrétienne», dont on peut vérifier la vivacité dans la manière dont la mort y est appréhendée.
Ces pages composent un parcours dogmatique et poétique qui emprunte le langage des premiers chrétiens, langage classique et biblique tout à la fois, s'inspirant des psaumes, des hymnes novo-testamentaires comme du genre épigraphique latin, pour évoquer la toute puissance de Dieu le Tonnant, le Christ Sagesse du Dieu de la lumière, pour affirmer la victoire de la résurrection sur la mort et justifier une vie selon les vertus chrétiennes, à rebours tout de même des habitudes de l'honnête homme classique. L'honneur est celui du baptême: «Puisez la vie éternelle à partir de ce gouffre saint./ C'est ici le chemin de foi où la mort périt» (p. 47). Le chrétien trouve sa gloire en étant «illustre, sage, humble, modéré, honnête», mais aussi en «ayant le sens de la communauté, reconnaissant,/ Plus encore, pieux par sa bonté» (p. 40), ce qui est une belle définition de la charité.
Il sera peut-être difficile d'entrer spontanément en prière en se promenant autour des ces souvenirs mortuaires; cependant, puisque ces épitaphes étaient aussi catéchétiques, le lecteur peut entrer lui-même dans le mystère du Christ mort et ressuscité, auquel participe toute mort, en accueillant ces textes mortuaires comme des leçons sur la vie dans le Christ. Il suffit de considérer l'écart entre la pensée contemporaine sur la mort et celle de nos ancêtres dans la foi. Nous serons alors amenés à réagir et la communion des saints nous portera peut-être à inventer un style nouveau pour le langage de la foi, comme on le faisait à Rome en mélangeant le style des inscriptions païennes avec la foi chrétienne (cf. p. 107).
À ces considérations, on peut ajouter l'insistance dans ces textes sur la primauté du pontife romain (mais nous sommes à Rome, ceci dit malgré l'image de couverture, représentant une mosaïque d'Afrique du Nord!). Jeannine Siat prend toujours soin de situer historiquement les textes, quand cela est possible. Il reste quelques obscurités de compréhension, qui sont tout autant des invitations à la réflexion personnelle. À cet égard, on lira utilement cet ouvrage en parallèle avec celui de Martine Dulaey sur l'exégèse paléochrétienne, «Des forêts de symboles». L'initiation chrétienne et la Bible (Ier-VIe siècles), (Le Livre de poche, références, n. 574, 2001), où le dégagement de la typologie biblique des Pères constituera une excellente introduction à la lecture de ces épitaphes romaines. - A. Massie sj

newsletter


la revue


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80