Un volume absolument remarquable, complément obligé des ouvrages
consacrés aux développements des premières communautés chrétiennes.
L'A., professeur de NT à l'Université de Heidelberg est
présentement l'un des meilleurs connaisseurs des sociétés qui
furent le berceau des églises naissantes. Après avoir éclairé les
textes du NT d'un point de vue sociologique, il a entrepris, avec
l'aide de son épouse le Dr Christa Theissen, psychothérapeute, et
une équipe de chercheurs, une étude systématique de psychologie
appliquée aux communautés chrétiennes du 1er siècle. Son enquête
aboutit à ce magnifique essai qui répond à un actuel besoin.
«L'expérience religieuse, écrit-il (p. 598), est le contact avec
une réalité qui possède une valeur ultime, interprétée comme
l'origine d'obligations, qui agit en fondant une communauté et qui
incite à l'action. L'expérience religieuse attribue à son objet
deux caractéristiques: l'intentionnalité et la totalité. Ce contact
consiste à «admettre un rôle» extérieur (on s'adresse par exemple à
Dieu comme à un Père) et, en même temps, à «endosser un rôle» qui y
correspond (l'homme se comprend comme un enfant de Dieu).
L'expérience religieuse intervient également dans des activités, et
c'est pourquoi la prière et la glossolalie, le retournement et la
conversion, la foi et les miracles sont considérés également comme
des formes de l'expérience religieuse.»Le plan de l'ouvrage montre
l'intelligence de sa conception. Une substantielle introduction
rend attentif aux méthodes d'approche de l'expérience religieuse
avec ses potentialités et ses limites. Sept chapitres composent la
matière. Le premier traite de l'âme et du corps en comparant la
conception d'Israël à celle de la Grèce pour en expliquer la
dynamique de rénovation mise en oeuvre dans le christianisme
naissant. Le chap. 2 s'étend sur les modes spirituels qui y
surgissent et la transformation qu'opère la foi en Jésus. Après
cette dimension spirituelle de l'expérience chrétienne vécue, le
chap. 3 développe la dimension cognitive en réfléchissant sur le
mythe et la sagesse: comment aborder la question du mal, comment
percevoir Dieu (monothéisme éthique et eschatologique), comment
concevoir le monde et l'homme, quelle christologie était visée? Le
chap. 4 est consacré au rite et à la communauté ou dimension
sociale de la religion naissante: églises, rites d'entrée, repas
sacramentels, exercice de l'autorité, structures ecclésiales et
groupes sectaires. Le chap. 5 inventorie des dimensions pratiques
de la religion du christianisme primitif, sous le titre d'ethos et
praxis: l'amour comme concept directeur de l'ethos biblique,
pulsions agressives et leur contexte progressif, sexualité et
ascèse, loi et parénèse comme orientations normatives, conscience
et jugement. Le chap. 6, intitulé mystique et gnose, étudie comment
la religion du christianisme naissant a évolué vers la gnose. Enfin
le chap. 7 récapitule l'ensemble de l'ouvrage dans une magistrale
synthèse: les points développés précédemment sont repris en guise
de bilan du fonctionnement religieux des communautés chrétiennes
initiales. Suit une bibliographie de 25 pages, surtout
germanophone, précieuse car l'A. est économe en notes dans le corps
de son texte; un index biblique bien pratique achève le
volume.D'allure systématique, le livre se déroule avec clarté et
précision, en utilisant des catégories nettes et suggestives; sa
lecture réclame toutefois une attention soutenue. Le lecteur y
trouvera une solide analyse des mouvements socio-psychologiques de
la première Église. Rappelons les précédentes oeuvres de l'A.,
traduites en français: L'ombre du Galiléen (Cerf, 1988),
Histoire sociale du christianisme primitif (Labor et
Fides, 1996) et La religion des premiers chrétiens
(Cerf/Labor et Fides, 2002). Nous savons gré à l'A. de poursuivre
sa recherche dans un domaine essentiel à notre vie chrétienne
d'aujourd'hui. - J. Radermakers sj