Dans nos sociétés occidentales, la conjugalité fait l'objet de
choix de vie et de formes d'union désormais multiples. Ces choix
apparaissent en même temps qu'un phénomène de fragilisation sans
précédent du mariage civil et religieux. Non seulement on se marie
de moins en moins, mais on se sépare de plus en plus. Des
corrélations peuvent être établies entre ces faits. L'objectif de
ce livre est d'une toute autre ampleur réflexive. Suscité par une
démarche des Associations familiales catholiques, divers chercheurs
ont été invités à aborder la conjugalité sous un même angle, fort
original, comme en creux: celui du «coût du non-mariage». Les
enjeux philosophiques cernés rapidement par J.M. Ghitti concernent
la dynamique des moeurs envisagées de manière normative ou
descriptive (p. 24) dans l'ensemble des interventions. La
définition du concept de «non-mariage» est très heureusement
développée par P. Benoit. Le «non» implique une privation, une voie
originale de réflexion, une complicité avec la mentalité
«utilitariste»: en fait, la réflexion doit aller jusqu'au bout et
évaluer le «coût anthropologique (p. 40) et éthique (p. 43)». C'est
à ce prix que l'originalité du mariage catholique peut probablement
apparaître. Il s'agit bien d'une question sociale comme l'explicite
avec bonheur G. Eid (p. 69). Son aspect juridique est
incontournable (p. 97). Ce développement magistral étonnera ceux
qui n'ont pas de formation juridique: il montre de manière
éclairante l'évolution dans le domaine du lien et les glissements
opérés ces dernières années. Cette partie très objective nous
conforte sur la capacité du droit à «traduire les moeurs d'une
société» et sur la nécessité, comme le souligne l'A. d'une éthique
même du droit à développer. On trouvera de précieux renseignements
sur le mariage, la filiation, le concubinage, le PACS, les unions
de fait et leurs conséquences sur les personnes concernées. J.M.
Ghitti montre avec brio l'influence du non-mariage sur l'idéal de
la démocratie. Le maître-mot est celui de «confusion»: du public et
du privé, des pouvoirs, du psychologique et du juridique, du
normatif et du juridique. En un mot: il y a crise du modèle
démocratique.
L'intérêt ne faiblit pas si on lit le «coût psychique» (J. Arènes)
du non-mariage. L'A. nous y donne des mots pour nommer les types de
souffrance qu'on observe et pour expliciter tous les non-dits des
options contemporaines. Comment s'opèrent les séparations? Quelle
est la figure du père qui disparaît ou tâche de se dire à travers
les dénis et les conflits? Comment se situent les générations face
à une autorité qui ne se dit plus de la même manière? «L'individu
moderne est de plus en plus seul face à son angoisse d'abandon» (p.
227). Le non-mariage y participe certainement. Faudrait-il faire
nôtre la thèse de W. Granoff que l'A. cite: «La décision de se
rendre le père, de le ré instituer après l'avoir écarté… peut seule
arriver à fonder le réel» (p. 227). X. Lacroix finalement plaide
avec brio pour l'articulation saine et concrète de la conjugalité
et de la parentalité. Paroles de sagesse qui ne nient pas la
disjonction et ses effets et manifestent tous les enjeux de cette
articulation dans l'unité de la filiation qui définit tout être
humain et lui donner «souffle». L'originalité de la réflexion
théologique y apparaît dans toute sa lumière. En sa foi dans le
dessein Créateur du Dieu unique, l'Église catholique ne sert pas
une idéologie, mais elle dit toujours au mieux pour l'époque où
elle vit et avec d'humbles paroles, ce qui est bon pour que l'homme
reste homme dans sa différence sexuelle et de génération. Les
enjeux théologiques du non-mariage ne sont pas minces. L'ensemble
des interventions les manifestent et plaident, sans complaisance et
avec une convergence qui donne à penser, pour une richesse
anthropologique et spirituelle contenue en soi dans le lien
conjugal et matrimonial. - A. Mattheeuws sj