Réveil catholique. Emprunts évangéliques au sein du catholicisme

Valérie Aubourg
Œcuménisme - Recenseur : Anne-Marie Petitjean a.s.

Valérie Aubourg, docteure en anthropologie-ethnologie, chercheure au Groupe Sociétés Religions Laïcités (GSRL, CNRS-EPHE) est professeure à l’Université catholique de Lyon. Elle livre ici les résultats d’une enquête menée sur le terrain lyonnais (sans exclure moult rapprochements et filiations). L’observation permettant une telle affirmation se concentre sur trois phénomènes à la fois locaux et transnationaux : les dispositifs visant miracles et guérisons (chambres de guérison, soirées « Miracles et guérisons » et un congrès de guérison), la prière des mères et le renouveau missionnaire paroissial étudié à partir de la paroisse Sainte-Blandine et inspiré par certaines megachurches américaines, notamment la Saddleback Church (Lake Forest, Californie) dont Rick Warren est le fondateur et dont les écrits, relisant le succès de ce qui, là, s’opère, inspire d’autres pasteurs.

La thèse principale est tout entière dans le titre et son sous-titre. L’A. la précise et la nuance en montrant comment cette « évangélicalisation » s’inscrit dans la matrice catholique et sert hautement l’identité confessionnelle de ses membres. La lecture de l’introduction et de la conclusion s’imposent, à défaut de parcourir l’enquête conduisant à ce résultat. Recevoir des évangéliques, ici, ne revient pas à devenir moins catholique, mais à le devenir davantage et autrement. Soulignons, pour notre part, combien conversion et réformes (lorsqu’elles s’imposent), sont impliquées par l’affirmation conciliaire de la nature eschatologique de l’Église.

On peut certes se demander si telle transformation catholique n’est due qu’à un simple emprunt (corrigé) au monde évangélique. Souci missionnaire, mais aussi attention plus grande aux chemins et charismes personnels, pluriministérialité et collégialité, accès direct à Dieu et combat spirituel ne datent pas d’hier et font partie des ressources du christianisme ravivées globalement par notre contexte culturel et œcuménique. Même les divergences, qu’elles soient théologiques comme la vision plus optimiste de l’homme, ou qu’elles relèvent de la pédagogie spirituelle comme le souci du silence et de l’intériorité, la manière de comprendre le combat spirituel ou le recours « balisé » au texte biblique (recours au lectionnaire liturgique ou à la pédagogie des Exercices, p. ex.), ne datent pas d’hier. Mais ces marqueurs catholiques relevés par V.A. témoignent cependant combien leur réveil peut devoir à d’autres traditions chrétiennes.

D’un point de vue théologique, dans la ligne de l’œcuménisme spirituel, il serait dès lors intéressant de poursuivre ce genre d’enquêtes révélant et opérant un œcuménisme réceptif, via l’échange des dons qui qualifie tout vrai dialogue. Via, aussi, une attention à l’œuvre de l’Esprit dont il convient de lire les signes et d’accueillir les appels. De ce point de vue, le terme « emprunt », pouvant laisser entendre presque un rapt, en tout cas un intérêt uniquement stratégique et mercantile ou une sorte d’opération mécanique, n’est pas des plus heureux. Individus et groupes deviennent toujours et davantage eux-mêmes grâce à l’autre. On peut dès lors souhaiter que le dialogue catholique-évangélique ait des effets de conversion dans nos deux mondes. N’y aurait-il pas là, de part et d’autre, une forme de baptême dans l’Esprit ?

Quoi qu’il en soit, à la lecture de ce livre, les non évangéliques ou les non charismatiques apprendront beaucoup sur l’histoire et les pratiques du pentecôtisme et du renouveau charismatique, et tous pourront être stimulés par ce qu’apporte la rencontre des autres. — A.-M. Petitjean a.s.

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