Science, histoire et thématiques ésotériques chez les Jésuites en France (1680-1764)

Bernard Barthet
Histoire - Recenseur : Hubert Jacobs
Cet ouvrage est la version remaniée d'une thèse soutenue en 2008 à l'École Pratique des Hautes Études (Sciences religieuses). Fondé sur une impressionnante documentation, il entend montrer comment l'éducation jésuite, en France, a voulu intégrer les thématiques ésotériques durant la période qui va de 1680 (date de la nouvelle politique royale en matière religieuse et culturelle) à 1764 (édit de proscription de la Compagnie). La vision du monde, tout imprégnée du rationalisme, qui se répand alors, est perçue comme menaçant la religion chrétienne. Les jésuites ne peuvent rester insensibles face à cette situation nouvelle. Ils veulent renforcer la foi chrétienne, mais en même temps, «se donner les moyens de répondre aux critiques et, partant, de rectifier les erreurs qui concernent la doctrine catholique». Les Pères veulent pour ce faire exceller dans l'art rhétorique et investir la plupart des disciplines scientifiques de leur époque, aussi bien les savoirs fondamentaux que les sciences appliquées. Le livre est évidemment un instrument privilégié de ce propos. Or, dans la production littéraire des écrivains jésuites, l'A. a repéré «une vingtaine d'ouvrages qui traitent de la pierre philosophale, de baguette divinatoire, de kabbale, etc., bref de thématiques qui s'inscrivent au sein des grands courants ésotériques du temps». Il s'agit là de connaissances mystérieuses et réservées. Il est même piquant de remarquer que la première apparition en France de l'adjectif «ézotérique» se soit réalisée dans le Supplément au Dictionnaire universel de Trévoux, en 1752. Les Pères, poussés par leur vocation apostolique, optèrent «pour une stratégie originale» qui se proposait de «s'immiscer dans les différentes discussions qui, dans ce domaine de l' « obscur » et du « caché », exigeaient à leurs yeux d'urgentes mises au point».
Pour apprécier la signification de la stratégie jésuite en ce domaine, l'auteur formule une double hypo thèse. Selon la 1e, les écrivains de la Compagnie ont voulu, dans le cadre de leur mission pastorale post-tridentine, dévoiler la révélation chrétienne qui se présente comme un «secret» intérieur à découvrir à l'aide d'une pédagogie utilisant tous les moyens disponibles, y compris les thématiques ésotériques, dont le sens et les liens avec les disciplines scientifiques demeurent pourtant vagues dans leur esprit. Dans cette optique, la magie naturelle, par ex., sera sollicitée «pour mettre en valeur la création divine par la description de phénomènes inexpliqués de la nature». Selon la 2de hypothèse, l'auteur propose de voir les Pères trouver dans ces investigations une occasion de prolonger l'oeuvre pédagogique des collèges. La matière analysée par l'auteur est foisonnante et complexe, multiple et inattendue, souvent bien étrangère à nos éruditions habituelles. Les jésuites, constate l'A., se sont donc investis dans plusieurs thématiques qu'ils jugeaient ésotériques. Ils se sont ainsi trouvés écartelés entre les principes catholiques traditionnels et la nécessité de s'immerger dans leur époque pour bien la comprendre et en corriger les erreurs éventuelles. - H. Jacobs sj

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