Sortir le religieux de sa boîte noire

Pierre Gisel
Morale et droit - Recenseur : André Haquin

Professeur honoraire de la Faculté de théologie et de sciences religieuses de Lausanne, Pierre Gisel est un penseur bien connu. Il a à son actif une série impressionnante d’ouvrages. Le titre du présent livre fait image : après une catastrophe aérienne, on se met à rechercher la boîte noire de l’avion où de précieux enregistrements fourniront des éléments utiles à l’enquête. Ouvrir la boîte noire du religieux, c’est chercher à connaître ce qui dans le religieux « est en travail et comment ». Plutôt que de faire œuvre de sociologue ou de psychologue, le professeur prend le chemin de la « socio-anthropologie » en quête de découvrir les pulsions humaines souvent refoulées. De ce point de vue, le religieux exprime une part de la vérité humaine. Cette quête se base notamment sur les dérives que peuvent connaître toutes les religions, sans exception, lorsqu’elles jouent l’intégralisme ou ce qu’il appelle avec J. Assmann la « religion totale » voulant imposer ses idéaux à toute la société jusqu’à l’utilisation de la violence.

Par ailleurs, l’A se désole de la « société liquide » dans laquelle nous vivons. Celle-ci néglige les ressources des religions, détentrices d’un « reste à penser ». Il constate que les sociétés, composées d’« individus désaffiliés » et « sans héritage », ne sont pas en bonne santé. De même, il regrette que les éléments religieux soient banalisés, comme la spiritualité (« éco-spiritualité ») p. ex. Il plaide pour une transcendance, mais repensée. Car celle-ci, vécue en esprit « communautariste », ne peut qu’écraser l’homme et diviser l’humanité. Par ailleurs, le monde occidental joue plutôt sur l’« auto-transcendance » de chacun ou une certaine « transcendance immanente ». L’invitation adressée à toutes les religions, notamment monothéistes, est de repenser les fondements, sans négliger l’évolution historique et la « relativité » ou la contextualisation des croyances et des convictions. P.G. fait un plaidoyer pour une « lecture généalogique » du religieux qui permettrait de « penser la validité sans sortir d’une prise en compte de la contingence ». Or, les monothéismes sont souvent tentés par la perspective de la « religion totale » (chap. 4), qui s’impose et couvre le champ social dans une perspective théocratique.

Le risque d’une « religion totale » est illustré par des comportements qui existent, selon lui, dans tous les groupes religieux, sectaires, ou intransigeants. Les intégrismes sont pointés du doigt, qu’ils soient protestants, catholiques, bouddhistes ou autres. Cet ouvrage fait défiler sous les yeux du lecteur une partie importante de la littérature actuelle en matière de religion. L’A. se plaît à citer la « Lettre à Diognète » comme un modèle de comportement du chrétien dans la société telle qu’elle est. P.G. est bien connu comme théologien et plus encore comme spécialiste des sciences religieuses. Son angle d’attaque est principalement celui des sciences humaines. Ainsi, lorsqu’il examine les textes bibliques, il le fait par le biais des comportements humains, individuels et sociaux, plus que par celui de la révélation du Dieu unique à son peuple et à travers lui à l’humanité tout entière. — A. Haquin

newsletter


la revue


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80