Très différent du livre précédent, ce volume collectif le complète
fort heureusement. Francis Clooney, qui en a conçu le projet, ne
signe que les dix dernières pages, tandis que James Fredericks a
rédigé l'introduction. Dans les neuf chapitres qui constituent le
corps de l'ouvrage, de jeunes chercheurs, pour la plupart
assistants dans diverses universités ou facultés de théologie aux
États-Unis, répondent à l'invitation qui leur a été lancée: faire
le point sur l'état actuel de la «théologie comparative», ses
acquis, ses lacunes, ses aspects controversés, et proposer des
voies nouvelles. Deux essais développent avec bonheur, pour
illustrer la démarche, l'image du pèlerinage et celle du chant
polyphonique. D'autres s'interrogent sur les raisons de certains
déséquilibres et la manière de les corriger: d'une part,
l'essentiel de ce qui a été publié à ce jour est l'oeuvre de
théologiens chrétiens (un chapitre cependant est signé par un
hindou et un autre présente des positions bouddhistes); d'autre
part, ces auteurs chrétiens ont abordé le plus souvent l'hindouisme
ou le bouddhisme, moins souvent l'islam ou les traditions
chinoises, moins encore le judaïsme (alors que les chrétiens
tendent à réduire ce dernier à l'« AT », un essai examine
ici la compréhension de la Torah selon les Pirqé Avot). D'autres
déséquilibres sont repérables: la théologie comparative n'a-t-elle
pas privilégié les grands textes, au détriment d'autres matériaux:
rituels, coutumes, vie communautaire, expressions artistiques? Il y
a là un danger d'élitisme, qui accentue d'autres dérives: la voix
des femmes se fait peu entendre, les traditions populaires et les
formes d'oralité se font trop discrètes, le regard du Nord sur le
Sud demeure dominant. Enfin, la question épineuse des rapports
entre théologie comparative et théologie des religions est reprise:
la première vient-elle sauver de l'impasse où s'est enfermée la
seconde? Ou les deux seraient-elles complémentaires plus que
concurrentes? - Même si certains développements «féministes» et
«libérationnistes» sont ici appliqués de façon quelque peu convenue
à la théologie comparative, le dossier dans son ensemble témoigne
de la vitalité de la recherche et suggère des perspectives
intéressantes. - J. Scheuer sj