Théologie oecuménique. La quête de l'unité des Églises chrétiennes, tr. J. Hoffmann
P. NeunerŒcuménisme - Recenseur : Paul Lebeau s.j.
Nous y ajouterons pour notre part une référence curieusement omise par l'A.: celle d'un passage de la lettre adressée par l'évêque Ignace d'Antioche à l'Église de Smyrne (VIII,2), où il qualifie l'Église de «catholique», en ce sens qu'elle confesse, à la différence des «docètes», l'intégralité (humaine et divine) du Christ, et non pas, comme chez la plupart des autres auteurs, l'universalité de l'Église coextensive à la «terre habitée». On retrouve d'ailleurs cette même acception au IVe siècle chez Cyrille de Jérusalem (Cat. 18,23). Sauf indication contraire donnée de façon explicite, c'est, comme l'indique le titre de l'ouvrage, dans une perspective proprement théologique qu'il se situe. L'A. n'en néglige pas moins de faire allusion aux multiples facteurs non théologiques qui font obstacle à l'unité des chrétiens: le poids de l'histoire et les forces d'inertie; l'attachement à ce qui est traditionnel; la méfiance héritée du passé et de multiples préjugés; la problématique du pouvoir qui n'entend pas que le statu quo soit mis en question.
À cet égard, on ne peut que souligner le constat loyal de l'A. quant à la responsabilité des papes en ce qui concerne la persécution des catholiques anglais, du fait que Rome s'arrogeait le droit divin de retirer leur pouvoir aux souverains séculiers. La réflexion théologique reste néanmoins fondamentale. Ainsi, la lucidité et le sens historique avec lesquels l'A. situe, par exemple, la signification et le contexte des Thèses de Luther concernant les indulgences, ainsi que l'évolution ultérieure de ses prises de position. Son livre témoigne en tout cas que, «considérés dans leur ensemble, le développement de l'idée oecuménique, l'engagement des Églises les unes à l'égard des autres et le dépassement progressif des cloisonnements confessionnels représentent l'événement le plus remarquable de l'histoire de l'Église du XXe siècle».
On appréciera également, de la part d'un théologien allemand, le rappel du «plan Rahner-Fries» (1983), selon lequel on peut considérer comme allant de soi «que chaque chrétien n'est pas tenu de dire oui de la même manière à toutes les affirmations de la foi». Ce qui se situe en deçà d'un refus déterminé ne met pas nécessairement en cause la fidélité à l'Église. Ce qui rejoignait la règle oecuménique formulée par le cardinal Ratzinger en 1980, à l'occasion de la première visite du pape Jean-Paul II en Allemagne: «Ce n'est pas l'unité qui doit être justifiée, mais la séparation», et cela «dans chaque cas particulier». La dernière patrie de l'ouvrage est consacrée à mettre en lumière «les convergences qui se dessinent au plan théologique entre les Églises chrétiennes»; à «montrer comment les condamnations traditionnelles deviennent surmontables, et quels acquis nouveaux mettent en question les démarcations classiques». Très largement documentée, cette démonstration ne peut plus être ignorée par les communautés chrétiennes en espérance de cette «Église d'Églises» dont nous commençons à faire l'expérience en ce XXIe siècle. - P. Lebeau sj