Il s'agit donc de liturgie. Le titre annonce la thèse: la liturgie
est ce «geste» rituel où l'homme, au plus haut de sa vocation,
accède réellement à l'expérience d'un temps transfiguré. Une
Postface importante de Olivier-Thomas Venard op souligne la
pertinence, dans le «climat» actuel, de la réflexion proposée par
cette agrégée de philosophie, moniale dominicaine au monastère de
Langeac. Philosophe lucide sur notre époque, l'A. aborde son sujet
avec pénétration et rigueur. L'interrogation, même «critique», du
philosophe rencontre, quand elle n'en est pas directement issue, la
sphère du sacré. On accordera à l'A. qu'il est donc «possible et
peut-être même essentiel pour la pensée de parler des rites et de
rappeler comme un avertissement la pensée obscure d'Héraclite, qui
résonne encore à nos oreilles modernes: « Ce qu'on célèbre
comme initiation parmi les hommes est profané plutôt que
célébré » (Héraclite, DK., n° 14)» (p. 6-7). Notre époque
«moderne» se définit-elle par la profanation? Et que voudrait dire
retrouver la célébration, pour nous, «post-Nietzschéens», passés
aussi par la lecture que fait Heidegger de son «Dieu est
mort!»?
Les six chapitres du livre s'attachent à répondre à ces deux
questions. Méditations exceptionnelles pour repérer la mise en
place d'une compréhension mystique de la vie «en liturgie», nourrie
du quotidien monastique et, secrètement, de l'amitié avec les
«petits» rencontrés à l'Arche de Jean Vanier. Mystique? Beauté et
allégresse pascale tout à l'opposé du «vouloir contre le temps» de
Nietzsche. Peu de pages, un beau livre sur notre temporalité et sa
transfiguration. L'attention qu'il requiert à la lecture sera
amplement récompensée. - J. Burton sj