Trésors inconnus du Vatican. Cérémonial et liturgie

Bernard Berthod Pierre Blanchard
Arts et Lettres - Recenseur : Yves Bruley

Celui ou celle qui ignore encore ce qu’est un « curseur apostolique » n’aura bientôt plus d’excuse. Le splendide et captivant ouvrage de Bernard Berthod et Pierre Blanchard fera bien davantage encore que d’instruire le lecteur étonné à ce sujet. Un curseur apostolique est un officier secondaire de la cour pontificale chargé de porter les convocations aux consistoires et aux chapelles papales. La fonction est attestée dès le xe siècle, ce qui est banal à Rome, presque moderne. Mais si la vocation vous en vient, c’est trop tard : il n’y a plus de curseur depuis 1968.

Tel n’est pas le cas de beaucoup d’autres fonctions qui participent à la vie du Saint-Siège, institution unique au monde installée dans un lieu sans pareil, le Vatican. Certes, la tiare ne se porte plus guère, et la sedia gestatoria, pourtant bien utile pour voir le pape de loin, a été reléguée en quelque cave, grenier ou musée. Quant au casque à pointe portant le nom de Pie ix, que portaient les soldats de sa garde vers 1850, on ne le regrettera pas. Mais le pauvre pontife pouvait-il imaginer que le casque à pointe serait bientôt l’accessoire préféré du moustachu inventeur du Kulturkampf ? En revanche, la férule du pape, elle, existe toujours. L’histoire de ce bâton pastoral attesté depuis le pape Léon viii (963-965) est fort intéressante. Il ne dérive pas de la crosse épiscopale que tout le monde connaît, mais du sceptre impérial. Serait-ce à cause de la disparition de l’Empire carolingien et de la distance prise à l’époque avec l’empereur de Byzance ? On peut le supposer. L’usage de la férule s’est maintenu jusqu’à nos jours, et les derniers papes utilisent celle que chacun a vue à la télévision, avec un Christ souffrant sur la croix, férule réalisée par un artiste contemporain pour Paul vi. L’histoire du pallium est plus riche encore. Ce très simple morceau d’étoffe blanche portant des croix noires est attesté depuis le ve siècle et n’a guère changé depuis. Déposé sur la tombe de Pierre avant d’être remis aux archevêques le jour de la fête du premier des apôtres, il devient une sorte de relique secondaire et symbolise dans toute sa force le lien entre la papauté et l’épiscopat dispersé à travers le monde. Et que dire des calices, ciboires, mitres, étoles, dont les auteurs montrent les plus beaux exemples conservés au Vatican ? Tout cela fait partie de la vie du Saint-Siège, et même de temps en temps les étonnants marteaux et truelles de cérémonie – pour ouvrir et fermer la Porte sainte lors des jubilés à Rome. Tous ces objets sont de magnifiques œuvres d’art, et sont eux-mêmes très souvent représentés dans les chefs-d’œuvre de la peinture ou de la sculpture.

Car c’est bien d’art qu’il s’agit. D’art inconnu ou trop peu connu, trop souvent méprisé par notre temps. Les Trésors inconnus du Vatican sont fascinants parce qu’ils révèlent un monde, en partie disparu mais en partie seulement, fait de rites, de fonctions, de services, de symboles, qui ont tous une signification souvent profonde et toujours digne d’intérêt. Cet ouvrage émerveille car il révèle l’extraordinaire déploiement artistique que la vie liturgique, le cérémonial, le fonctionnement quotidien de la papauté ont constamment suscité depuis des siècles. Ce n’est pas « l’art pour l’art », c’est l’art pour la liturgie, pour la vie de l’Église, pour des fonctions diverses ou simplement pour des usages pratiques. Tout au long de son histoire, l’Église romaine a mobilisé la beauté, a sollicité les meilleurs artistes et artisans pour faire de tout objet, de la tiare à la truelle, une œuvre d’art. Il faut lui en savoir gré, comme il faut savoir gré aux auteurs de ce livre d’avoir réuni tant d’informations érudites et surtout une iconographie si exceptionnelle. Un livre saisissant, à saisir. — Y. Bruley

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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