Truth on Trial. The Lawsuit Motif in the Fourth Gospel

A.T. Lincoln
Écriture Sainte - Recenseur : Yves Simoens s.j.
Nul ne contestera l'importance du procès dans saint Jean. Cet argument trouve ici un traitement ample et renouvelé. Une Introduction commence par situer la question des «procès de vérité» dans la problématique johannique en précisant un angle lié à la narrativité. C'est ce qui fait l'objet du chapitre premier: «Le procès (Lawsuit) dans le récit (Narrative) du quatrième évangile», où se trouve expliquée la terminologie au moment de son application à cet évangile. L'«ironie johannique» et «l'histoire à deux étages» (Two-Storey Story) en ressortent avec vigueur et rigueur. L'approche du texte, facilitée par le recours à l'auteur et au lecteur impliqué, sonne le glas de la trop fameuse - et jusqu'à un certain point ruineuse - opposition entre le Jésus de l'histoire et le Christ de la foi, inopérante dans l'évangile johannique. C'est un acquis majeur de cette étude. Signalons aussitôt une implication décisive de cette optique: la sortie du non moins désastreux «dualisme johannique» (p. 261-262) qui aurait pu encore être davantage souligné dès le début, à partir des analyses sur le texte. À ces deux titres déjà, cet ouvrage est remarquable. Le chap. 2 s'attelle à profiler l'argument dans le cadre d'Is 40-55: c'est aussi très heureux. Le procès s'en trouve ajusté dans l'alliance, ce qui pourrait être mieux exploité. De même le rapport à la création aurait pu valoriser le pôle sapientiel pour rejoindre et approfondir un axe présent dès la première phrase du Prologue. Il faut en dire autant de l'Apocalyptique, ce qui avait été bien mis en valeur pour «la vérité dans saint Jean» par I. de la Potterie. Enfin la distinction prophétique entre «jugement de condamnation du mal» en vue d'un «jugement de salut du pécheur» - païen, juif et chrétien confondus!-, aurait mérité un affinement à la fois en Isaïe et chez Jean. Le troisième chapitre aborde ensuite un choix de péricopes qui, de l'aveu même de l'A. (p. 57), aurait encore pu être élargi. Sont retenus les témoignages de Jean Baptiste (1,6-8.15; 1,19-34; 3,25-30); le témoignage d'en haut (3,11-21) et le jugement de la lumière (3,31-36); le discours sur l'oeuvre du Fils (5,19-47); la controverse la plus épineuse à Jérusalem (8,12-59); l'interrogatoire de l'aveugle guéri, limité à 9,1-41; la conclusion de la vie publique en termes de jugement du monde (12, 37-50); des passages du discours de la Cène (15,26-16,15; 14,16.17.26) et le procès devant Pilate (18,28-19,16a).
Là se font sentir deux limites du travail. La délimitation de ces textes et leur rapport au contexte immédiat auraient pu être définis de façon plus nette, à l'aide de critères rhétoriques, évoqués mais non exploités à des fins d'interprétation. Un tel sondage expose au risque qui n'a pas été conjuré de passer ensuite à des considérations littéraires et théologiques trop peu articulées à la littéralité même des textes, ce qui ne signifie évidemment pas verser dans le littéralisme. Le chap. IV, difficile à traduire: The Lawsuit and Literary Issues Revisited («Nouvel examen du procès et des questions littéraires»), et le chap. V: «Le procès et la théologie du quatrième évangile», relisent dès lors l'ensemble du quatrième évangile d'un point de vue littéraire et théologique, d'une manière un peu trop déconnectée du texte dans sa complexité; c'est peut-être, à vrai dire, le prix à consentir en faveur de la lisibilité d'une telle étude. Le chap. 6: «Le procès du quatrième évangile dans une perspective historique et sociale», fait bien le point sur la question des tensions entre la synagogue et la communauté judéo-chrétienne dont l'ensemble de cette tradition porte la trace évidente. La suite et la fin de l'ouvrage sont novatrices. Le chap. 7: The Lawsuit Metaphor in Contemporary Focus, «La métaphore du procès dans l'optique contemporaine», comporte deux subdivisions très intéressantes: «L'endurance de la métaphore»; «Ricoeur et l'herméneutique du témoignage». Enfin, sur le mode de deux conclusions substantielles, en écho l'une avec l'autre, arrivent les chap. 8 et 9. Le chap. 8 est consacré à l'«Appropriation du procès dans le quatrième évangile: quatre objections». Il aborde respectivement: «Accepter le témoignage et exercer un jugement critique»; «La vérité du récit du procès de la vérité»; «Le motif du procès et l'anti-judaïsme; «Le métarécit du procès, violence et exclusion». L'A. n'élude aucune question grave, mais on se répète que le rapport au texte johannique aurait gagné à rester plus serré pour devancer ces objections à partir d'un examen approfondi de sa lettre. Enfin, le chap. 9: «Appropriation du procès dans le quatrième évangile: quatre réflexions», passe en revue: «Le Christ et la vérité au sujet de Dieu»; «Le Christ et la vérité au sujet de la justice et de la vie»; «Témoignage chrétien et défense (Advocacy)»; «Témoignage de foi (Faithful) et dialogue avec le judaïsme». Table des matières et abréviations figurent en tête du volume. Une copieuse bibliographie, suivie d'un index des auteurs modernes puis d'un index des sources anciennes (AT; Apocryphes; NT; Pseudépigraphes; Littérature non-canonique, juive, chrétienne, grecque et latine) concluent cette oeuvre monumentale qui fait d'ores et déjà date dans la littérature johannique. Réflexions et réserves au fil de la recension voudraient stimuler la consultation, sinon la lecture intégrale, de ce grand et beau travail. - Y. Simoens sj

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