Robert Cheaib est un auteur encore peu connu en France. Après un premier ouvrage intitulé Au-delà de la mort de Dieu. La foi à l’épreuve du doute (Salvator, 2019), qui affronte un débat toujours vif entre foi et doute et entend répondre à ceux qui avec Nietzsche prétendent encore aujourd’hui que « Dieu est mort », voici un second livre, paru dans son édition originale italienne en 2013, et enfin traduit !

Robert Cheaib est un jeune théologien laïc, d’origine libanaise (grand-père musulman, parents chrétiens maronites sécularisés). Docteur en théologie fondamentale, il enseigne à l’Université Grégorienne de Rome, et est membre du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie. Son thème récurrent est celui de l’anémie spirituelle et ce qu’il nomme « l’anorexie du désir » qui rabaisse l’homo sapiens sur ses besoins primaires. Dans ce nouveau livre divisé en 5 chapitres et une annexe, Robert Cheaib a décidé de s’inscrire dans la lignée des théologiens et penseurs du xxe s. qui anthropologiquement définissent justement l’homme comme « être de désir ». Aussi dialogue-t-il avec prédilection avec H. de Lubac ou B. Sesboué, mais aussi M. Blondel ou J.H. Newman. Surnommé « catéchiste itinérant » par certains de ses étudiants, il entend écrire pour un public plus large que celui de quelques spécialistes et cherche à déplacer les frontières reconnues habituellement. Pour lui, au cœur de la Tradition la plus haute, Dieu ne se transmet pas en héritage : il faut le désirer !

Aussi Robert Cheaib part-il du centre volitif et affectif de l’homme (p. 18) et surtout conformément à la pensée blondélienne, il explore l’expansion de notre désir pour y discerner la grandeur inhérente à notre « cœur » ou si l’on veut comme le disait Newman à notre « conscience ». Or le cogito newmanien pourrait bien être : « habeo conscientiam ergo Deus est » (p. 23) ! À condition d’entendre par là que l’homme ne devient humain que par la grâce de Dieu, car l’homme existe aux yeux de Dieu et lui importe ! Or Dieu est amour, et aimer ce n’est rien d’autre que de faire de l’autre « l’épicentre de soi-même » : ce qui est vrai de l’homme, l’est d’abord de Dieu qui s’est en effet penché sur l’homme comme un père sur son enfant. Le désir de Dieu se comprend à la fois comme celui de l’homme vers Dieu et conjointement celui de Dieu vers l’homme ! Ce qui est justement le sens même de l’Incarnation, accomplie dans l’humilité miséricordieuse de Jésus.

Robert Cheaib parcourt un certain nombre d’épisodes bibliques pour cerner l’actualité bouleversante de cet amour, jusqu’à sa mesure « maximale » comme l’avaient déjà souligné les Pères Grecs (p. 74) d’où aussi un éclairage très blondélien du sens même de la Rédemption : racheter, c’est donner l’être à qui ne l’a pas ou ne l’a plus (p. 83). Aussi la Trinité est-elle le mystère même du Christ, puisque c’est Lui qui la révèle et qu’Il en est partie intégrante (p. 99). L’amour accomplit donc en l’homme (comme en Dieu en somme) le désir, et le cœur humain y discerne, dans la clarté de la conscience, fidèle surtout dans le quotidien, la grâce du présent (p. 156).

Voilà donc un livre lumineux, nécessaire et toujours accessible, qui, au plus profond de nos désarrois, nous remet en route. M.-J. Coutagne

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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