Une légende tenace: le retour de Paul à Antioche après sa mission en Macédoine et en Grèce (Actes 18,18 - 19,1)
A. BunineÉcriture Sainte - Recenseur : Jean Radermakers s.j.
Certes, Lc n'est pas historien à la manière moderne: le rédacteur final de son oeuvre compose une histoire théologique, sans doute à partir de «récits de voyage», sans se braquer sur l'exactitude du «référent événementiel». Aussi pouvons-nous marquer notre accord avec l'A. concernant la «quatrième visite» de Paul à Jérusalem ou son passage à Antioche (Ac 18,18-22); avec lui nous pensons qu'il faut s'attacher plutôt à la composition narrative de l'oeuvre. Manifestement, le rédacteur final entend montrer que l'évangélisation de Paul à Éphèse a été mûrie dans l'Esprit saint, lequel s'est chargé de la préparer. À cet effet, tandis que Priscilla et Aquilas balisent le terrain, il fait faire à Paul une sorte de voyage récapitulatif de son action passée: arrêt à Césarée pour «saluer l'église» de Jérusalem, passage par Antioche, le pays galate et la Phrygie. C'est une manière de dire que Paul a besoin de toute son expérience missionnaire pour s'attaquer à la ville d'Éphèse, car il faut y discerner l'oeuvre de l'Esprit avec une attention redoublée. Ainsi le rédacteur note comment la théologie d'Apollos doit être revisée par une meilleure connaissance de l'Esprit saint; on a l'impression que par rapport à Paul, Apollos joue un rôle de précurseur, comme Jean le Prophète qui, mis en prison, disparaissait de l'évangile quand Jésus entrait en scène pour un ministère de trois ans. Comme si l'érudition d'Apollos ne faisait pas le poids devant l'activité pastorale que Paul déploiera à Éphèse pendant le même laps de temps. Nous avons là sans doute un de ces sommaires ou «raccourcis théologiques» dont Lc a le secret, pour nous faire percevoir le sens «spirituel» de l'histoire.
À son arrivée à Éphèse d'ailleurs, Paul trouvera des disciples dans la même situation qu'Apollos, ignorants de l'Esprit saint; ils seront baptisés «au nom du Seigneur Jésus», prémices d'une nouvelle Pentecôte pour l'Asie. On voit que les «coups de pouce» donnés par le «rédacteur lucanien» à l'histoire factuelle sont au service d'une symbolique, qu'un travail minutieux comme celui de la monographie de l'A. permet de déceler; nous lui en savons gré. Aux spécialistes de Luc-Actes d'en décider. - J. Radermakers, S.J.