Veritas, existentia Christi. Étude du concept de vérité dans la Dogmatique ecclésiale de Karl Barth

Olric de Gelis
Théologie - Recenseur : Pascal Ide

Dans la thèse monumentale de théologie soutenue à l’Institut catholique de Paris et publiée ici intégralement, le prêtre parisien invite à relire la quatrième partie de la Dogmatique ecclésiale de Barth (c’est-à-dire rien de moins que les 10 tomes de cette œuvre inachevée). Son hypothèse est que la « Doctrine de la Réconciliation » est un traité théologique De Veritate. Pour le montrer, après avoir écarté résolument les voies ascendante cosmologique et anthropologique, d’accès à la vérité (1re partie), il explore l’ouvrage que le théologien réformé consacre à la preuve anselmienne de l’existence de Dieu et y découvre une structure tripartite de la vérité : l’esse in intellectu (l’existence mentale) ; l’esse in re (l’existence réelle) ; la ratio veritatis (la vérité absolue) (2e partie). Il l’applique alors à la Kirliche Dogmatik, dévoilant ainsi, beaucoup plus profondément qu’un simple commentaire suivi, la théo-logique qui y est à l’œuvre. Il en conclut trois thèses fondamentales : la théologie se doit d’être vraie (esse in intellectu : 3e partie) ; l’existence du Christ est la vérité qui inclut toute autre vérité (esse in re : 4e partie) ; l’être vrai du Christ resplendit dans la Résurrection (ratio veritatis : 5e partie).

Non content d’avoir accompli ce puissant et lumineux travail de synthèse, l’actuel Directeur du Pôle de Recherche au Collège des Bernardins prend à nouveau du recul pour montrer que cette Veritas qu’est le Christ présente deux aspects qui sont comme deux pôles, l’être et l’acte, et il confirme qu’ils s’articulent de telle manière que l’agir prime l’être (esse sequitur operari). Dès lors, il lui est possible d’interroger, au terme, mais aussi chemin faisant, les présupposés philosophiques et surtout la reprise catholique de la théologie barthienne. Il propose notamment d’enrichir du dedans le déficit d’être, c’est-à-dire l’insuffisante prise en compte de l’humanité anhypostatique du Christ, d’où découle par exemple une tension, voire une carence dans la transformation réelle de l’homme réconcilié (p. 573-575). Pour ce faire, il introduit la notion d’habitus, empruntée à Aristote relu par Ravaisson, en résonance avec les relectures thomasienne et bonaventurienne (p. 531-539), qui permet d’introduire « le surcroît de réponse que la question ‘de la vérité’ est à même d’attendre » (p. 539).

Comment ne pas se réjouir de ce qu’Olric de Gélis conjoigne si heureusement l’empathie la plus affinée et le recul le plus éclairé ? Nous nous permettrons d’interroger sa relecture d’Aristote qui, trop liée à Ravaisson, n’a pas su rendre à l’habitus toute sa profondeur métaphysique. Surtout, nous proposons une piste au ras même de la notion d’acte, insuffisamment interrogé en sa concrétude : en définitive, l’événement divin est autocommunication ; or, pas de donation sans réception et pas de donation effective sans donner non seulement de recevoir (dans l’obéissance), mais de donner, non sans auparavant avoir été donné à soi-même (Bruaire, Laberthonnière) et donc transformé. Ne serait-ce pas dans cette logique (veritas) du don en sa dynamique totale que le vere esse (celui du Christ, mais aussi celui de l’humanité réconciliée) acquiert toute sa puissance responsive reçue de l’acte divin lui-même ? — P. Ide

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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