Violence et compassion. Essai sur l'authenticité d'être

Paul Gilbert s.j.
Philosophie - Recenseur : Simon Decloux s.j.
Encore un livre sur la violence! Oui, mais pas un livre qui se contente de répéter ce qui a été dit, et de bien des manières déjà, sur la violence: pour la définir et en repérer les causes, pour la combattre et la condamner, voire pour la justifier. Non pas que ces réflexions sur la violence soient ignorées ou écartées. On trouvera ici l'évocation de bien des personnes, de bien des penseurs: qu'il s'agisse de Platon et Aristote, d'Augustin et de Thomas d'Aquin, de Kant et de Hegel, de Lorenz, de Fromm et de Galtung, de René Girard et de Hannah Arendt; qu'il s'agisse encore de Nicolas de Cues, de Descartes, Leibniz et Spinoza, d'Amartya Sen, de Popper, de Gadamer et d'Habermas ou bien encore de Hobbes et de Rousseau, de Heidegger et Levinas, de Ricoeur et de Blondel…, on trouvera dans ce livre, non seulement quelque citation passagère, mais un recours et souvent quelque débat de fond ou une réflexion décisive.
L'A. se propose d'approcher la violence en métaphysicien, en s'entendant sur ce qu'évoque et en quoi consiste la démarche proprement métaphysique. Car essentiellement, de tous les temps et en tous les lieux, la violence n'est-elle pas inscrite en toute force, ne peut-elle qualifier tous nos actes de liberté, même si l'homme, de temps immémorial, s'efforce de remporter sur elle la victoire en instaurant la paix? Obéissant à la règle de déploiement de l'«exégèse médiévale», telle qu'elle fut remise à jour et commentée par Henri de Lubac - selon la séquence que traduit un distique de l'époque («littera gesta docet; quid credas allegoria; moralis quid agas; quo tengas anagogia»), l'A. consacre la première partie de sa réflexion à préciser le concept métaphysique de violence. La première parole de l'esprit humain n'est-elle pas de protestation contre ce qui est et qui ne doit pas être: l'injustice, le mal? Dans la deuxième partie, la pertinence du projet de raison s'efforce - dans sa recherche de l'un (l'universel ou le général) - de saisir le monde dans une compréhension unifiée; la globalisation contemporaine n'a-t-elle pas pour moteur d'intégrer les différences, en les réduisant violemment à une «unité formelle»? La troisième partie se penche sur les structures les plus essentielles de l'agir humain; c'est pour contrôler la violence que naissent les contrats, et tout appareil juridique destiné à ordonner les relations interhumaines; mais c'est en tant qu'équité que la justice maintient l'exigence du respect d'autrui et de ses différences. La quatrième et dernière partie pose les conditions du respect mutuel qui seul peut dépasser l'état de guerre (au moins latent) et fonder la paix. Elle élabore une doctrine de compassion (ou sympathie) et de pardon, exprimant les médiations requises par le don de l'être, et par son accueil.
Ce livre est, sans conteste, un grand livre. Il répond à bien des questions et trace une route sur laquelle des hommes et l'humanité sont invités à marcher pour marquer leur fidélité à l'exigence intime de l'être qui les «fonde» et dont ils se reçoivent. - S. Decloux sj

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