Le présent ouvrage est le fruit des journées d'étude organisées par
l'Académie catholique de France en 2018. Leur intention directrice
entendait répondre à la question : quelle est la signification
contemporaine de la référence toujours importante faite par
l'enseignement universitaire à Thomas d'Aquin ? La diversité
des interprétations de St Thomas en a encore été davantage
mise en évidence, mais sans heureusement qu'il y ait été fait de
place à l'immobilisme de certains néothomismes intégristes. On se
réjouit de retrouver vivantes des pensées issues, dans une libre
fidélité, de l'enseignement d'Étienne Gilson et de quelques grands
maîtres inoubliables. Beaucoup de ceux-ci ne sont pourtant qu'à
peine évoqués. Plusieurs domaines de la réflexion sont
explorés : la métaphysique, l'anthropologie, l'éthique, la
christologie. Jamais toutefois on ne laisse la très utile
distinction entre le thomisme d'école et le thomisme thomasien
conduire à leur séparation. Herbé Pasqua, professeur à l'Univ. de
Nice, se propose de chercher ce que les thomismes disent
aujourd'hui de l'esse, car, à son estime, c'est cette
question qui est le critère fondamental de la fidélité à la pensée
authentique de St Thomas. Pour lui, la pensée de l'Aquinate
est avant tout une philosophie de l'être, de l'acte d'être, pour
laquelle l'être est, indépendamment de la pensée qui le pense.
C'est tout le contraire de la philosophie moderne qui, elle, s'est
enfermée à l'intérieur de la pensée « afin de se rabattre
exclusivement sur ce qui est pensable pour un sujet pensant ».
À ce propos nous croyons que l'allusion à Joseph Maréchal n'est
guère pertinente car, pour celui-ci, contrairement à la philosophie
moderne, l'acte d'affirmer est précisément adhésion à l'être qui
s'impose à lui et lui est donc « extérieur », tout en
comblant son attente. Par ailleurs, on donnera tout son accord à
Hervé Pasqua pour refuser de disqualifier cette métaphysique de
l'être en raison de sa soi-disant dénaturation ontothéologique.
C'est que les transcendantaux sans l'être démentent Celui qui est,
l'Esse ipsum thomiste qui est le nom propre de Dieu.
La transcendance méta-ontique de l'Esse rend inutile
d'affranchir la métaphysique thomiste de tout soupçon
d'ontothéologie. L'Esse ipsum n'a jamais été inféodé
à l'ens. En christologie, la question de la personne
humaine de Jésus est devenue récurrente. Le fr. P.-M.
Margelidon o.p. l'étudie dans les travaux des
p . Weber, Torrell et J.-H. Nicolas, et confronte
leurs positions à la pensée de St Thomas lui-même. Il en conclut
que ces théologiens ne sont pas en consonance avec la tradition
ecclésiale et St Thomas pour qui, devenu homme, le Verbe ne
reçoit pas de l'humanité assumée d'être une personne humaine. Voilà
un point, écrit le fr. Margelidon, où le thomisme de nos trois
théologiens n'est pas homogène à ses sources. Leur thomisme semble
être devenu un concept à la limite de
l'équivoque ! - H. Jacobs s.j.