Puisqu'il a toujours « cherché à transmette une vie belle,
bonne et heureuse », il était naturel, pour Enzo Bianchi,
d'écrire sur l'âge qu'il vit désormais - « Oui, l'âge où
l'on pénètre comme dans un pays étranger » (p. 13). Voici
donc l'âge des peurs qui se multiplient, des signes de
vieillissement du corps et de la solitude, que la Bible décode déjà
en clé de promesse, mais auquel il faut se préparer car « la
vieillesse est un devoir et un défi » (p. 67), elle se
construit ensemble (p. 71). Comment donc à la fois
« lâcher prise et se souvenir », se laisser accompagner
par la nature, la cuisine, respecter le mystère de la sexualité
(celle « des vieilles personnes est rarement sans âme »,
p. 94) ? « Lire, écrire, écouter, voir » permet
de comprendre comment les yeux et les oreilles accèdent toujours
plus aux beautés intérieures. L'A. de ces pages admirables dialogue
sans cesse avec différents écrits sur la vieillesse, depuis
Cicéron, mais aussi avec la sagesse immémoriale des anciens de sa
terre d'origine, citant leurs « apophtegmes » dans le
dialecte du Montferrat. Il n'élude pas le déclin de l'audition, de
la vue, de la marche, et même de la foi qui se dépouille, tandis
que des forces obscures envahissent parfois le coeur. Mais si la
foi peut s'affaiblir, l'amour, lui se renforce ; « et
comme l'amour est la seule force capable de vaincre la mort, elle
dépasse aussi l'affaiblissement de la foi » (p. 139). La
méditation finale (on est depuis longtemps passé en mode prière)
s'achève sur l'espérance, car (selon le poème de Rimbaud)
« elle est retrouvée, l'Éternité ». - N. Hausman
s.c.m.