L'A. découpe schématiquement l'histoire des droits de l'homme en
trois mouvements. Alors que la Déclaration française de 1789
renversait les hiérarchies de l'Ancien Régime en enfermant le droit
dans la souveraineté du peuple, la Déclaration universelle de 1948
attaque à sa racine le germe totalitaire. Ce texte, conçu à
l'échelle du monde, efface toute allusion à une transcendance
religieuse pour s'appuyer sur la seule dignité de la personne
humaine, mais sans préciser si cette référence suprême s'entend de
l'être charnel, social et spirituel (Jacques Maritain) ou du
produit le plus élevé de l'évolution biologique (Julian Huxley)
qu'est l'être humain. À la faveur de cette ambiguïté, l'idéologie
individualiste perce peu à peu, au cours de la période suivante, la
gangue personnaliste de cette Déclaration onusienne de 1948, comme
aussi de la Convention européenne de 1950 : la vérité de
l'individu se trouve désormais, non plus dans une nature qui le
précède jusqu'en son corps, mais dans ce qu'il dit de
lui-même. Sont ainsi passées en revue toutes les
« libérations » que permet l'interprétation libérale des
droits humains, servie par la science : la vie, le sexe, la
procréation et la mort passent dans la vie
privée du sujet. Les nouveaux droits ainsi reconnus au
gré d'une lecture évolutive des droits de l'homme se gagnent contre
la nature, au nom d'une souveraineté que l'individu exerce en lieu
et place de Dieu. Le résultat en est l'aplatissement de toutes les
différences, jugées incompatibles avec l'égalité que réclament des
êtres désincarnés. La troisième période poursuit cette logique de
dénaturation en couplant les droits de l'homme avec le
transhumanisme. Détaché de sa propre nature, l'être humain peut
mobiliser ses techniques pour se modeler lui-même à l'ombre de
ses droits de l'homme. Cette fresque historique,
rédigée par un fin connaisseur de la jurisprudence strasbourgeoise
de la Cour européenne, montrera au théologien, comme au grand
public, les enjeux spirituels du débat qui touche la condition
incarnée du sujet humain. - X. Dijon s.j.