L'A., professeure de théorie politique à Sciences Po, nous fait
découvrir l'institution juive, immémoriale mais encore actuelle, de
l'eruv. Cette frontière symbolique faite de fils tendus
entre des poteaux dans l'espace public d'une ville vise à élargir
l'espace privé de la maison, pour permettre aux juifs croyants de
vaquer à des occupations utiles (courses ménagères, promenade des
enfants) le jour du shabbat tout en respectant l'interdiction qui
leur est faite, ce jour-là, de quitter l'espace privé. Cette
remarquable trouvaille permet une réflexion très fine, d'abord sur
la frontière vue davantage comme porte que comme mur, ensuite sur
la coexistence entre l'espace du droit séculier, toujours tenté
d'escamoter les identités croyantes, et celui de la Loi religieuse,
guettée par le repli. C'est que l'installation de l'eruv,
toute légère qu'elle soit, suppose la demande du rabbinat et
l'accord de l'administration publique. Laquelle administration est
dès lors invitée à réfléchir sur l'espace urbain en des termes plus
aérés que ceux de la possession et de la souveraineté écrasante.
Une belle réflexion à lire par tous ceux qu'intéressent des
questions telles que la laïcité de l'État, l'accueil du migrant ou
encore le dialogue interreligieux. - X. Dijon s.j.