Trouver Dieu dans Narnia, tr. P.-R. Mélon

K. Bruner
Arte e letteratura - reviewer : Jean Burton s.j.
Nous regroupons ces deux volumes non seulement pour la raison évidente qu'ils traitent d'une même oeuvre mais aussi parce qu'ils relèvent du même genre de travail, estimable certes, mais qui risque de manquer leur cible. Expliquons-nous. Après l'explosion du «phénomène Harry Potter» et de la (relative) redécouverte de Tolkien et de sa magistrale faërie (ainsi la nomme l'auteur lui-même) Le Seigneur des Anneaux, nous voici derechef affrontés (bien que les trois cas évoqués ne sont que très superficiellement comparables) dans la presse d'inspiration chrétienne à la requête de «situer» la portée religieuse ou tout au moins éducative de telles fictions fantastiques et merveilleuses. Ce à quoi tentent de répondre les deux livres mentionnés ici. A priori, nous aimerions donner un conseil. Lisez Le monde de Narnia de C.S. Lewis avant de vous laissez conduire à quelque «décryptage» que ce soi ni à quelque catéchisme apologétique qui tienne. En raison même du genre de ce type de littérature, il est essentiel d'en goûter la saveur, et la valeur éventuellement éducative, au niveau d'abord littéraire. Ceux qui ont abordé l'oeuvre lewisienne par les célèbres essais d'exposition de la foi chrétienne et de sa défense auront tendance à trouver, sinon à projeter dans le Monde de Narnia des propos un rien trop «raisonnables» pour une juste herméneutique de ce genre littéraire. C'est ici que cette part de l'oeuvre de Lewis pourrait induire presque trop clairement les gloses et interprétations pour le moins trop hâtives et figées que proposent (avec de nombreux autres commentateurs) les deux livres que nous signalons. À l'opposé de son ami Tolkien qui refuse la clarté didactique de l'allégorie comme figure narrative, la construction propre à Lewis s'y plairait, argumentent les utilisations catéchétiques contre lesquelles nous mettons en garde. Que les images sources, qui se développent en aventures où des personnages prennent alors consistance symbolique et aussi morale laissent affleurer leur congruence avec la foi de l'A. (ce qui est évident pour ceux qui y sont initié), ne permet pas d'attribuer catégoriquement à ces personnages une fonction catéchétique rigide. du type: Atlan c'est le Christ!
Certes, comme chrétien est-on autorisé à voir en lui une allusion au Christ à travers ce que Jean-Yves Lacoste, (dans un ouvrage sur Narnia paru récemment chez Ad Solem, appelle «une réécriture féerique de la dogmatique chrétienne». Mais les aveux de Lewis dans sa correspondance sur la composition «non programmée» des divers volumes ne le permettent pas. Nous sommes ici en accord avec l'analyse proposée par Irène Fernandez dans son livre Mythe, raison ardente - imagination et réalité selon CS Lewis, paru aussi aux éd. Ad Solem, qui voit dans la «manière» de Lewis «une certaine expérience et une certaine idée de l'imagination comme exploration de la réalité et comme rupture de la clôture du monde».
Dans cette «rupture de la clôture du monde» que pratique l'imaginaire de Lewis peut se produire une «eu-catastrophe» (dirait Tolkien) que ne démentira pas la Révélation chrétienne. Mais il faut, en raison de la nature même de la foi, laisser à chacun la joie de le découvrir. Alors les deux livres mentionnés pourront-ils être de quelque utilité. Ne vous interdisez pourtant pas de déjà les consulter… avec prudence. - J. Burton sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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