Advaita, Christianity and the Third Space. Abhishiktananda and Bede Griffiths in India

Jonathan Gordon Smith
Religioni - reviewer : Jacques Scheuer s.j.

Henri Le Saux (Swami Abhishiktananda) et Bede Griffiths furent deux grandes figures monastiques de la rencontre entre la spiritualité chrétienne et la tradition hindoue de la non-dualité (advaita vedanta). Le premier, d’abord compagnon de Jules Monchanin et fondateur avec lui de l’ashram de Shantivanam au pays tamoul, vécut ensuite comme ermite dans la haute vallée du Gange ; la direction de l’ashram fut ensuite reprise par Bede. Leurs écrits connurent et connaissent un beau succès auprès de chrétiens et d’autres en Occident, mais s’attirèrent aussi des critiques tant du côté chrétien que du côté hindou. Chrétien anglican, familiarisé de longue date avec la pensée et la spiritualité de l’advaita, Jonathan G. Smith porte sur eux un regard neuf inspiré de développements récents des sciences humaines : l’examen critique de la manière dont les « orientalistes » occidentaux ont construit leur objet d’étude (E. Said) ; l’analyse des rapports de forces et la déconstruction des schémas de pensée hérités de la période coloniale mais toujours présents de manière insidieuse après les décolonisations ; la notion de « tiers-espace » (H. Bhabha) comme domaine où les interactions de deux cultures produisent du neuf ; la théologie comparative (F.-X. Clooney) qui, sans cesser d’être confessionnelle (chrétienne, p. ex.), se veut réceptive à des thèmes et des messages recueillis grâce à l’étude patiente et approfondie d’une autre tradition (hindoue, p. ex.).

Après un exposé fort clair des objectifs et méthodes de ces diverses disciplines, Smith passe en revue la manière dont Abhishiktananda et Griffiths, tout en s’éloignant progressivement d’une « théologie de l’accomplissement », se sont situés comme penseurs et spirituels chrétiens dans l’univers culturel, doctrinal et spirituel de l’hindouisme. Parmi les thèmes abordés : Dieu et Brahman, création du monde et mâyâ, Incarnation et avatâra-s, Trinité et Saccidânanda, monachisme chrétien et voie hindoue des « renonçants ». Tout en attirant l’attention sur des points délicats (rapprochements trop rapides, distorsions dans l’interprétation de l’autre tradition… ou de la sienne propre), l’A. se refuse en général à porter des jugements de valeur ; il s’en tient – c’est l’apport original et la force de cette dissertation doctorale – à l’analyse des manières de procéder de ses deux auteurs. Dans cette optique, le lecteur est invité à prendre strictement comme outils d’analyse quelques termes (hybridation, imitation ou mimique, anxiété…) qui n’ont ici aucune charge péjorative.

S’agissant de Le Saux, il est étonnant que l’A. exploite le plus souvent (la traduction anglaise de) Sagesse hindoue, mystique chrétienne (1965) et ne cite jamais le Journal, dans lequel Abhishiktananda se montre parfois fort critique à l’égard de ses propres écrits antérieurs. — J. S.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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