La théologie augustinienne, riche comme est riche le tempérament de
son auteur, participe également à toutes ses tensions. Nous en
avons reçu comme héritage une articulation difficile, pour ne pas
dire impossible pour une raison cartésienne, de la grâce et du
libre arbitre. L'ouvrage présenté ici, sans doute abondant plus que
nécessaire, affronte avec courage ce thème central pour notre foi
et notre vie spirituelle. La première partie du livre inspecte
quelques sources d'Augustin dans une perspective plus spéculative
qu'historique: Plotin, Origène, Grégoire de Nysse; du premier, le
saint docteur aurait repris l'idée de la non réalité du mal, dont
la force est déficiente et non pas efficiente, encore que Dieu en
soit une cause ordinatrice; des deux derniers auteurs viendrait la
structure épistémologique dans laquelle la dynamique de la grâce
pourra être réfléchie sans rendre impossible l'affirmation de la
liberté. La seconde partie est plus directement systématique;
l'amour universellement salvifique de Dieu, la liberté de la
volonté, la gratuité de la grâce, la miséricorde de Dieu.
L'information de l'A. est vaste, encore que l'ouvrage se privilégie
quelques adversaires, Gaetano Lettieri p. ex., dont L'altro
Agostino (2001) ne manque pourtant pas de mérites. La question du
mal joue à travers tout le livre le rôle d'une basse continue: la
question de la grâce et de la liberté n'est pas envisagée du point
de vue formelle de la scolastique - les disputes modernes de Baius
et autres Molina ne sont pas rapportées et analysées; les notions
issues des techniques scolastiques, par exemple les grâces
sanctifiante, adjuvante ou auxiliaire, ne sont pas ignorées mais
situées à l'intérieur d'une perspective existentielle, celle de
l'amour miséricordieux où les catégories que la raison s'est
façonné pour tenir à la fois le concept de la prédestination et
celui d'une liberté digne de Dieu peuvent être interprétées
droitement. La thèse d'Augustin est nourrie par la foi en la
miséricorde divine révélée en Jésus, par cette 'philosophie de
l'amour'; les instruments rationnels sont là pour servir cette foi,
non pas pour la remplacer. L'articulation de la grâce et de la
liberté est donc d'ordre spirituel; les catégories de la modernité
n'ont sans doute pas la possibilité d'en énoncer la vérité. - P.
Gilbert sj