Art et beauté chez Charles Journet, préf. F.-X. Amherdt

Jean-Marc Andenmatten
Teologia - reviewer : André Haquin

La thèse de Jean-Marc Andenmatten a été défendue en 2020, à l’Université de Fribourg. Qui aurait pensé que le Cardinal suisse C. Journet (1891-1975), théologien thomiste, avait non seulement une sensibilité à l’art, mais était en contact avec des poètes et des artistes, peintres et orfèvres, et avait, à l’époque de Picasso déjà, défendu l’art moderne ? La vaste enquête historique retrace ce long parcours de C. Journet et son évolution dans sa vision théologique des œuvres d’art. L’abbé Journet, professeur de théologie, a été aidé par les travaux de son ami Jacques Maritain (Art et Scolastique et L’intuition créatrice dans l’art et dans la poésie) avec lequel il a beaucoup correspondu. Toutefois, Maritain abordait l’art en philosophe tandis que Journet l’abordait en théologien, en pasteur et en spirituel.

Journet a pris position contre la conception de l’Art pour l’art, estimant qu’on ne pouvait le concevoir comme un tout autosuffisant, fermé sur lui-même. Plus surprenant, il n’a pas développé sa réflexion dans la ligne de l’Art pour Dieu, mais bien dans celle de l’Art pour l’homme. En effet, la beauté est une production humaine, mais comme transcendantal, elle est liée aux deux autres, le « bon » et le « vrai ». Elle intervient donc dans l’aventure humaine comme une invitation à la transcendance et peut conduire à Dieu (« Dieu est lumière »). Dans son origine autant que dans sa destinée, l’homme est appelé à être « transfiguré » ; telle est la vision théologico-esthétique de Journet. Le théologien élabore donc une anthropologie chrétienne, mais tout autant une théologie et une sotériologie de la personne humaine et de l’art, création par excellence. La question du mal et de sa représentation esthétique constitue-t-elle un obstacle infranchissable face à ce type de théologie ? Les « deux cités », celle de la terre et celle du ciel, si bien analysées par St Augustin, amènent Journet à dépasser cet obstacle, car la miséricorde de Dieu se tourne vers le pécheur qui peut saisir cette offre de salut.

L’étude aborde aussi les positions des papes Pie xii, Paul vi, Jean-Paul ii et François, en matière d’esthétique, soulignant leur intérêt pour l’art et les artistes, trop souvent éloignés de l’Église, même si l’approche de chacun est tributaire de sa personnalité et de sa propre responsabilité pastorale. Cette belle enquête historique et théologique pourrait sans doute se poursuivre, notamment en investiguant en profondeur la pensée de Journet dans son œuvre L’Église du Verbe incarné. Essai de théologie de l’histoire du salut. Une autre approche possible, dans la ligne des ouvrages de P. Chenaux, Charles Journet (1891-1975), un théologien en son siècle et Entre Maurras et Maritain : une génération intellectuelle catholique (1920-1930), consisterait à resituer Journet dans le milieu catholique et intellectuel de son époque pour découvrir ce qu’il en a reçu et ce qu’il lui a apporté. — A.H.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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