L'idolâtrie n'est pas morte; nous la pratiquons chaque jour, sans
même nous en rendre compte. Certes, nous dénonçons les faux dieux
que sont pour notre monde: l'argent, le profit, la toute-puissance
économique, les médias, la manipulation du vivant, la technocratie,
la rentabilité, le culte du corps, la fascination du plaisir… Nous
abhorrons les rites aseptisés ou les sacrifices qu'ils exigent et
auxquels, par ailleurs, nous nous soumettons dans le «système» où
nous baignons et qui vit de notre sympathie et de nos complicités…
Nous stigmatisons les images, les simulacres, les artifices, et
nous en faisons bonne consommation… Où est l'idolâtrie, la nôtre?
Que cachent nos idoles? Nous trompons-nous de Dieu, ou nous
mentons-nous à nous-mêmes en croyant que la dénonciation des faux
dieux échappe à l'idolâtrie, fût-ce celle de la
sécurisation?Question fondamentale que discutent ici trois femmes
et quatre hommes: théologiens, philosophes, anthropologues,
psychologues ou moralistes. B. Van Meenen introduit le débat
(Bruxelles, St-Louis) entre les conférenciers de 2003 aux Facultés
universitaires de Bruxelles. À la lumière du prophète et du sage
ironisant à propos de l'idole, J.-P. Sonnet (Bruxelles, IÉT) nous
montre comment retrouver la vraie image de Dieu dans l'homme. M.
Botbol-Baum (Louvain, UCL) part du «rire de Sarah» en Gn 18 pour
nous faire réfléchir sur la sorcellerie dissimulée dans les
techniques de reproduction négatrices de l'altérité homme-femme.
«Deviendrait idole ce qui arrête le devenir spirituel au lieu de
rester une simple balise sur le chemin» (p. 43): ainsi s'exprime L.
Irigaray (Paris, CNRS); l'idolâtrie est le non maintien de la
différence sexuelle, la négation de la «transcendance de l'autre»;
D. Müller (Lausanne, Univ.) prend le point de vue de l'éthique
théologique et critique la volonté dominatrice de la théologie et
celle de la bioéthique comma paradigme du pouvoir. Y. Ledure (Metz,
Univ.), en parlant de «l'homme et son désir» refait un parcours de
l'athéisme pour percevoir comment tout l'homme, y compris sa
corporéité, doit être pris en compte pour surmonter l'idolâtrie. D.
Courcelles (France, CNRS) nous remémore l'histoire chrétienne et
ses grands théologiens pour s'interroger sur la justice et sur la
charité érigée en droit: y a-t-il là vraie alternative à la
violence?
Dès lors, comment bien parler de Dieu? Peut-on éviter l'idolâtrie?
Voilà une réflexion salubre et décapante qui nous aidera à nous
purger de nos idoles et à débusquer nos faux dieux, qui se juchent
souvent là où nous estimons en être indemnes. Merci aux auteurs
d'aborder ce sujet en vérité. Aux lecteurs, que nous espérons
nombreux, d'en tirer le meilleur parti ! Livre accrocheur qu'on ne
lit pas innocemment. - J. Radermakers, S.J.