Ce livre est le fruit d'un travail énorme: il s'agissait
d'ordonner, dans une présentation globale, la pensée ontologique de
Cajetan, Thomas de Vio, cardinal de Saint-Sixte, supérieur et
réformateur des frères prêcheurs (1469-1534), contemporain d'Érasme
et de Luther. Au coeur de cette ontologie, on trouve l'analogie,
non pas d'«attribution» qui rapporte tous les états à un principe
unique, mais de «proportionnalité» qui repose sur une égalité de
rapports entre essences et existences. L'«esse» s'y propose comme
infini de soi et limité par l'essence; le multiple peut ainsi être
uni sans peine par l'être universel sans perdre la spécificité de
chaque réalisation de l'être. Cette métaphysique de l'analogie
conduit, aux yeux de l'A., à un personnalisme intégral, et elle
introduit au coeur de la théologie, sous le vocable de surnaturel,
une théorie de la métamorphose personnelle.
On ne s'étonnera pas que, comme l'annonce la préface, l'A.
«s'engage dans un jugement d'ensemble sur la théologie du XXème
siècle et sur les condamnations sans appel qu'un Gilson ou un de
Lubac, en quête de boucs émissaires, se sont crus autorisés à
formuler contre Cajetan». À chacun de voir ce qu'il faut en penser!
Mais il reste qu'on pourra difficilement ignorer ce livre si on est
en quête de la pensée de Cajetan. - S. Decloux sj